Youtube (chasteté masculine controlée): Conférence de Bùi Trân Phượng : Les femmes dans les traditions culturelles Việt|chasteté masculine controlée,Conférence de Bùi Trân Phượng : Les femmes dans les traditions culturelles Việt sur Youtube

Le thème « chasteté masculine controlée » abordé sur youtube par École française d’Extrême-Orient – EFEO

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Notez la durée de la vidéo (01:28:18s), le titre (Conférence de Bùi Trân Phượng : Les femmes dans les traditions culturelles Việt), et les commentaires qui accompagnent le contenu de l’auteur :« Treizième conférence-débat – EFEO
Lorsque l’on parle des traditions culturelles Việt et, plus largement, de la société Việt avant l’influence occidentale, on se représente souvent une inégalité genrée qui privilégie les hommes aux dépens des femmes. Selon cette vision simpliste, ces dernières sont figées dans l’image immuable de la femme soumise : lorsqu’elles sont louées et mises en exergue, c’est au regard de leurs sacrifices consentis pour leurs mari et enfants. Même quand elles s’engagent pour la cause patriotique et que l’on glorifie leur vaillance, leur « héroïsme » et leur « indomptabilité », c’est généralement en référence à la « loyauté » et à la qualité « đảm đang » dont elles font preuve. Selon l’acception communément donné à cette qualité qui ne se soucie guère du sens étymologique du terme, la femme a la capacité d’assumer de multiples tâches au profit d’autrui, de sa famille et de son pays.
Mes premières recherches sur la situation des femmes durant la première moitié du 20ème siècle m’ont amenée à poser un regard critique sur ces représentations stéréotypées de la femme dans les traditions précoloniales vietnamiennes. Au terme de ce questionnement, j’ai acquis la conviction que l’émergence du « féminisme » vietnamien ne doit pas être pensé comme résultant exclusivement du contact culturel occidental. Il trouve son origine dans de puissants éléments endogènes fortement ancrés dans les traditions culturelles Việt.
Dans cette conférence, je partagerai avec vous mes réflexions sur le rôle et la place des femmes dans la société précoloniale, sur leurs sentiments, leurs comportements et leur sociabilité, leurs responsabilités et, naturellement, sur leurs souffrances et leur bonheur, sur la dureté de leur existence comme sur leurs plaisirs et réjouissances que ce soit en temps de paix ou de guerre. Mes sources se composent des lois et politiques gouvernementales, des coutumes villageoises et d’éléments du folklore (dans la mesure des données disponibles car relevant souvent de l’oralité), ainsi que de la littérature classique dont les auteurs étaient des lettrés confucéens ayant pour la plupart réussi de brillantes carrières mandarinales.

Mme Bùi Trân Phượng
Docteure en histoire (Université Lyon-Lumière)
Née en 1950 dans une famille d’enseignants, Mme Bùi Trân Phượng enseigne depuis 1972 dans différentes universités vietnamiennes et françaises ainsi que dans des programmes développés par des universités américaines au Viêt Nam. Depuis 2018, elle enseigne la Sociologie du genre dans le programme de Master de Sociologie de l’Université Ouverte à HCM Ville et participe au développement de l’Université Thái Bình Dương à Nha Trang où est membre du Conseil de l’Université. Invitée à la chaire du Monde francophone au Collège de France, elle travaille actuellement sur les identités plurielles et ouvertes du Viêt Nam au début du 21ème siècle. ».

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Retranscription des paroles de la vidéo: Le sujet dont je parlerai aujourd’hui est « Les femmes dans les traditions culturelles Viêts ». Je dis « les cultures Viêts » parce que je parlerai principalement du groupe ethnique Viêt, c’est-à-dire des Kinh. En effet, le Vietnam compte beaucoup d’ethnies. Les traditions, quant à elles, sont nombreuses au Vietnam. Si nous invoquons très souvent les « traditions » comme prétexte, nous sommes pourtant très vagues sur ce que sont les traditions. Les traditions sont donc, d’après moi, souvent mythifiées. Et elles sont ancrées, c’est une réalité. La nature des traditions peut s’interpréter de plusieurs façons, sachant que les interprétations de la majorité ne reflètent pas toujours la vraie nature des traditions. Après 1975, je suis venue à l’Université de pédagogie de Hô-Chi-Minh-Ville pour y enseigner. En tant que professeure d’histoire vietnamienne, j’ai été très surprise et stupéfaite par l’intervention d’un enseignant stagiaire en histoire qui, répétant ce qui est écrit dans son manuel, à déclarer que le peuple vietnamien a quatre traditions puis les énumérer. J’étais épouvantée parce que l’on ne peut pas enseigner l’histoire de cette manière ; nous n’avons aucun fondement pour affirmer cela. Depuis, je remets souvent en question les différences et les similitudes entre tradition et histoire. Quand on parle de traditions, à mon avis, il nous faut nous questionner : D’où viennent ces discours sur les traditions ? Qui les énonce ? Quand ? Dans quel contexte ? Sur quelle(s) base(s) ? Quel est leur degré de fiabilité ? Ces traditions sont-elles immuables ? On devrait comprendre les traditions au pluriel. Tous les peuples, toutes les communautés ont des traditions différentes et spécifiques Ces traditions ont-elles une seule et même origine ou sont-elles multiples ? Ce sont des questions à se poser. En effet, on ne connaît toujours que des bribes de l’histoire. Mais certaines de ces bribes sont régulièrement mises en avant, tandis que d’autres ne sont jamais ou presque jamais mentionnées. C’est notamment le cas de l’histoire des femmes, non seulement au Vietnam mais aussi dans le monde entier. Et lorsqu’on parle de l’histoire, il faudrait aussi nous questionner sur les sources mobilisées, sur ses fondements. Les sources bibliographiques, les sources écrites sont-elles plus fiables [que l’histoire orale] ? Parfois, les sources écrites sont plus éloignées des réalités que les informations transmises oralement par le folklore. C’est ce que je constate. Alors, en quoi l’histoire et les traditions se ressemblent-elles ? Elles appartiennent au passé et souvent, concernent la majorité des gens L’Histoire est une trace officielle, tandis que les traditions sont préservées par la coutume et les usages. Ce sont leurs analogies. Mais qu’en est-il de leurs différences ? Les événements historiques ne se produisent qu’une seule fois et ne se répètent pas. Ils se reproduisent parfois, mais ils ne sont jamais exactement pareils, La 1ère victoire de Bạch-Đằng, par exemple, n’est pas similaire à la 2ème ni à la 3ème. Les histoires ont des espaces, des temporalités et des personnages historiques précis. Les traditions, quant à elles, ont des espaces, des temporalités et des personnages beaucoup plus flous et moins bien définis. Il est donc facile de les interpréter comme bon nous semble faute de preuves. Donc, selon moi, lorsque nous étudions les traditions, il est nécessaire de nous baser sur les événements historiques, sur ce qui peut justifier nos analyses. Le temps est généralement représenté par une flèche horizontale. La pointe de la flèche indique le futur et sa queue indique le passé. Et le présent est au milieu. Je propose de placer cette flèche horizontale vers le haut et de la représenter comme un arbre. Si je me représente l’histoire vietnamienne à partir de cet arbre, je place du côté gauche de l’arbre tous les événements politiques, les changements dynastiques, etc., et du côté droit, toutes les idéologies, religions, croyances, valeurs. Avant la domination chinoise, le Vietnam était convaincu qu’il possédait quelque chose quelque chose de très fort et de profond, sans réellement savoir de quoi il s’agissait. Après la domination chinoise, pendant un siècle, le Vietnam a connu trois courtes dynasties : les Ngô [939-968], les Đinh [968-980] et les Lê [980-1009]. Elles ont été suivies par deux dynasties qui ont duré chacune deux siècles : les Lý [1009-1225] puis les Trần [1225-1400]. Parallèlement à ces repères historiques, du côté droit de notre arbre se trouve le bouddhisme, importé au Vietnam avant la domination chinoise. Permettez-moi d’appeler « le Vietnam » ce pays ancien qui ne couvrrait pourtant qu’une partie du territoire vietnamien actuel. Nous savons que le Vietnam ancien avait de très grands centres bouddhiques, comme celui de Luy-Lâu. Le bouddhisme, d’origine Indienne, est entré au Vietnam de manière pacifique. Durant la période de la domination chinoise, puis sous les dynasties Ngô, Đinh, Lê [antérieure] , Lý et Trần, nous n’avions qu’une vague idée de notre attachement aux trois philosophies que sont le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme. Puis, sous les dynasties suivantes, pendant les règnes des Lê postérieurs et des Nguyễn, la situation a évolué. En effet, avant le début de la dynastie Lê postérieure [1428-1788], le Vietnam avait été occupé pendant vingt ans par la dynastie Ming. Même si la durée de cette occupation, deux décennies, a été beaucoup plus courte que le millénaire passé, nous en savons davantage car cette période est plus proche de nous et nous disposons de plus d’informations à son sujet. De plus, nous connaissons toute l’importance de son pouvoir destructeur. Tous les livres ont été brûlés sur place ou ramenés en Chine. Tous les documents administratifs ont été détruits. La domination, bien qu’elle n’ait duré que 20 ans, a donc eu de graves conséquences. Il en résulte que la dynastie Lê postérieure a décidé de nommer le confucianisme comme idéologie d’État. L’exclusivité du confucianisme n’a commencé qu’à partir de la dynastie des Lê postérieurs avec Lê-Thái-Tổ comme fondateur. Puis, le Vietnam a été placé sous la domination coloniale française et est entré dans l’ère moderne. Il faut souligner ici que l’influence du monde occidental sur le Vietnam n’a pas débuté avec la colonisation française, mais qu’elle s’exerça dès la fin du XVIe siècle, début XVIIe c’est-à-dire bien avant la colonisation française. Et si le XVe siècle est généralement considéré comme exclusivement dominé par le confucianisme, ce fut en réalité loin d’être le cas. L’exclusivité signifierait en effet que seules les enseignements et examens relevant du confucianisme étaient autorisés, alors que les gens passaient des examens relevant des trois enseignements [le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme]. Néanmoins, les étudiants qui se rendaient à l’école et étaient reçus aux concours (mandarinaux) étaient peu nombreux. La majorité de la population est-elle assujettie à l’exclusivité du dogme confucianiste ? Assurément pas. Supposons maintenant que se produise un cataclysme qui détruise toutes les sources documentaires du Vietnam et que 300 ans après, des gens souhaitent étudier ce début du XXIe siècle. En cherchant dans les bibliothèques, ils trouveraient le programme d’étude du ministre de l’Éducation et de la Formation qui contiendrait des tests et examens sur le marxisme-léninisme. Ils découvriraient ainsi qu’à l’époque toutes les universités enseignaient le marxisme-léninisme, le nombre d’heures hebdomadaires, etc. Partant de là, ils arriveraient à la conclusion que le marxisme-léninisme était la seule idéologie de l’époque, ce qui pour nous, serait ridicule. En effet, le fait que les gens apprennent et passent des examens en marxisme-léninisme ne signifie en rien qu’ils en sont pénétrés et considèrent cette forme de pensée comme leur seule idéologie. Il en est de même pour le confucianisme des Song. Le confucianisme des Song n’avait pas le monopole parce que le bouddhisme existait toujours au quotidien. Bien qu’il n’ait plus été reconnu par l’État, le bouddhisme a toujours été présent dans les pratiques culturelles populaires. J’ai une question sur cet arbre : La domination du confucianisme a duré quatre siècles, quatre siècles dans les 2 000 ans d’histoire vietnamienne connue. Ces 2 000 ans sont une période connue avec certitude, tandis que les 4 000 ans [de l’histoire vietnamienne] correspondent à une période dont nous avons l’habitude de parler, sans qu’il n’y ait aucune preuve tangible. Quatre siècles de domination du confucianisme sur 2 000 ans d’histoire, est-ce un grand nombre ? Oui. Mais ce n’est pas toute [l’histoire vietnamienne]. On dit que l’influence occidentale a pénétré au début du XVIIe siècle. Et on est au XXIe siècle, plus de quatre siècles. Dans ce cas-là, pourquoi considérons-nous le confucianisme comme sacré, intouchable, et la culture occidentale comme exotique, étrangère, pénétrante et potentiellement dangereuse ? Il s’agit évidemment d’une connaissance imparfaite, reprise inconsciemment ou consciemment, du fait d’une éducation inadéquate et d’une compréhension incomplète de nos propres traditions et cultures. C’est la raison pour laquelle je me questionne sérieusement au sujet du monopole du confucianisme dans la société vietnamienne. Pourquoi cela concerne-t-il autant les femmes ? En effet, aucune idéologie ne s’est montrée aussi misogyne que le confucianisme des Song. Du moins à l’échelle des idéologies influençant le Vietnam. Ce qui est le moins bien connu par la majorité des Vietnamiens c’est la « civilisation de l’Asie du Sud-Est », alors je l’ai mise sous terre, là où elle n’est pas visible. Il s’agit d’une civilisation à part entière, très différente du bouddhisme comme du confucianisme. C’est elle la racine. C’est elle qui m’intéresse profondément. Et pour moi, elle exerce une influence importante sur la place des femmes dans la société. Qu’elle est cette culture de l’Asie du Sud-Est ? Elle se compose d’éléments très différents. J’ai une remarque à faire ici : La riziculture nécessite une main-d’œuvre importante, dont les femmes et les enfants. Tant que les femmes et les enfants contribuent à la production, tant qu’ils produisent de la nourriture, ils ne peuvent pas être exclus de l’histoire. Ils ne peuvent pas être complètement ignorés. Et cette source culturelle sud-est asiatique, où est-elle conservée ? Dans la littérature orale du folklore. On dit souvent que l’héritage laissé par la colonisation française est un taux d’analphabétisme de 90 %, même plus de 90 %. Ce qui veut dire que plus de 90 % de la population ne savaient ni lire ni écrire. Cela est sans doute vrai. Mais, ces 90 % de la population n’étaient pas pour autant des gens incultes, des barbares car ils ont acquis des connaissances par l’oralité. J’ai eu la chance d’avoir des contacts avec ma grand-mère, qui est née au début XXe siècle. Elle était issue d’une famille de paysans pauvres, très pauvres, et elle n’est jamais allée à l’école. Mais elle pouvait réciter par cœur de nombreuses œuvres classiques que de nombreux Vietnamiens ne connaissent plus aujourd’hui. Et ces œuvres classiques, ces chansons folkloriques, proverbes, Histoires de Kiều, de Lục-Vân-Tiên, etc., portent en eux les traditions et cultures du Vietnam auxquels ceux qui ne lisent que les manuels scolaires n’ont pas un accès aussi complet et approfondi. Une chose que nous oublions également, c’est la culture maritime. En effet, nous possédant un long littoral, largement étendu avec le Nam tiến [la marche vers le Sud]. Mais avec un littoral aussi étiré, plus le fait que [les cultures maritimes] ne sont pas conversées dans des documents écrits mais seulement à travers une culture orale, il ne nous reste que des proverbes ou des expressions toutes faites sur l’action de résister aux tempêtes, de lutter contre vents et marées, qui appartiennent tous à la culture maritime. De plus, il y a une autre chose importante : la légende de Lạc Long Quân – Âu Cơ. La légende de Lạc Long Quân – Âu Cơ, ne doit bien sûr pas être considérée comme une histoire réelle mais comme un mythe qui véhicule un message. Ce message, tel que déchiffré par Keith Taylor, représente une combinaison entre la culture maritime, ou tournée vers l’océan et l’environnement continental. C’est-à-dire une combinaison de deux mondes très différents. Lạc-Long-Quân dit : « Je suis de la race des Dragons, vous êtes de celle des fées, bien que nous ayons donné naissance à des enfants, nous sommes aussi incompatibles que l’eau et le feu, nous sommes d’origine raciale différente… » Deux ethnies très différentes mais qui se sont combinées pour donner naissance à des enfants. Ces 100 enfants nés dans la poche d’Âu-Cơ, l’utérus de la femme, rappellent aux Vietnamiens qu’ils sont liés par le sang malgré les différences dans leurs modes de vie, dans leurs pratiques quotidiennes, etc. Pour Keith Taylor, il s’agit de la plaine et de la mer. Pour Tạ-Chí-Đại-Trường [historien], il s’agit du delta littoral septentrional, le delta du fleuve Rouge actuel, région de Hà Nội actuel et des alentours et les Hauts-plateaux Pour de nombreux autres chercheurs, cette différence d’origine pourrait évoquer les autochtones et les immigrants de Chine, d’Asie du Sud-Est, etc. Mais une chose est sûre : ce sont deux ou plusieurs communautés culturellement distinctes, qui ont vécu ensemble en harmonie, qui ont coopéré sur la même terre, se sont considérées comme liés par le sang. C’est un point très important. Ces traditions se manifestent dans la culture Đông Sơn, dans les légendes et mythes du temps des rois Hùng. La contribution importante de Keith Taylor est de montrer que ces légendes sont la première manifestation de l’identité du Vietnam en tant que peuple. « Peuple » ici ne se comprend pas dans le sens moderne du terme, comme des individus qui partagent un même marché, une même langue, etc. Il s’agit plutôt de populations qui vivent ensemble sur une même terre. Je pense que cela correspond très bien à la pensée populaire vietnamienne exprimée dans la chanson folklorique : « Citrouille, aime-moi la courge, je t’en prie ! Car, bien que d’espèces différentes, nous poussons sous la même tonnelle » En effet, différentes ethnies se sont installées dans le delta du fleuve Rouge. Des ethnies qui, malgré leurs différences linguistiques, vivent ensemble. Ne nous imaginons pas un peuple issu d’une seule origine ethnique, dirigé par un roi, une cour et des mandarins, mais une sorte d’alliance tribale vaguement coalisée. Des liens se sont forgés entre les petites communautés. Elles ont cohabité sur cette terre pendant de nombreux siècles, pendant plusieurs centaines d’années, avant la domination chinoise. C’est ce que rappelle Keith Taylor. Dans une telle société, les femmes avaient un statut relativement élevé, la famille étant alors de filiation bilinéaire. La famille bilinéaire désigne une famille dans laquelle le père et la mère peuvent se relayer pour devenir chef de famille en fonction des moments et des circonstances. Telle est la famille bilinéaire. Il ne s’agit pas seulement d’une famille patrilinéaire ou matrilinéaire. En termes de filiation, avant la domination chinoise, le Vietnam était matrilinéaire. La plupart des ethnies au Vietnam sont matrilinéaires. Mais en termes de pouvoir, la matrilinéarité n’implique nécessairement pas le matriarcat. Alors, sur quels document Keith Taylor s’appuie-t-il ? Dans les archives vietnamiennes, il n’y a pas grand-chose sur ce sujet. Mais le Vietnam apporte une grande contribution à l’archéologie. Ces résultats archéologiques permettent aux gens de mieux appréhender ces sujets. Et il est possible que Keith Taylor se base sur les documents et archives de la Chine, car la documentation chinoise contient des informations sur des sociétés périphériques à la Chine à cette époque. Il affirme que les sociétés chinoise et vietnamienne étaient différentes. Dans les premiers jours de la domination chinoise, l’histoire a enregistré les noms des hommes tels Xi Guang [Tích Quang], Rén Yán [Nhâm Diên], etc. Les phrases que je citerai ici sont issues de l’histoire officielle chinoise et sont extraites par Keith Taylor. Selon le constat de Rén Yán [Nhâm Diên], gouverneur à Jiuzhen [Cửu-Chân : les provinces Thanh-Hóa – Nghệ-An actuelles] : « Les Lạc n’ont pas de famille stable. » « Ils s’accouplent au hasard » « et ne connaissent pas [les catégories] parents, enfants et conjoints » Ne nous précipitons pas pour en conclure que les envahisseurs jugeaient que nos ancêtres étaient des barbares. Ils ont trouvé cette situation vraiment différente, car la société vietnamienne à l’époque n’était pas monogame et surtout ne suivait pas strictement le système familial patriarcal comme en Chine. C’est ce que les dirigeants chinois ont tenté de changer au Lạc-Việt. Et à la fin, ils ont réussi à le faire. Mais cela a été fait avec beaucoup de difficulté et a pris des siècles. Rén Yán [Nhâm Diên] est célèbre pour avoir organisé une seule et même cérémonie de mariage pour des milliers de couples Ces couples, après avoir eu des enfants, ont tous pris le nom de famille de Rén Yán [Nhâm Diên], car les Lạc, étant matrilinéaires, n’avaient pas de nom de famille, seulement un nom individuel. A ce sujet, Keith Taylor souligne les deux objectifs poursuivis par les dirigeants Han depuis le début de l’ère chrétienne. Avant l’ère chrétienne, l’exploitation économique [du Lạc-Việt] était plus limitée car les Chinois n’en avaient pas trop besoin. Ils se concentraient sur les cornes de rhinocéros, l’ivoire, etc. des produits précieux présents dans ce pays tropical et introuvables en Chine, Quand ils se sont tournés vers une exploitation économique plus intensive, ils ont eu besoin de lever des impôts. Pour servir cet objectif, le système de la famille patriarcale monogame était bien adapté puisqu’il permettait de recenser la population. Ils ont également favorisé le développement agricole, en particulier dans les provinces actuelles de Thanh-Hóa et de Nghệ-An, où existaient déjà des productions agricoles mais moins développées que dans le delta du fleuve Rouge. L’objectif était d’augmenter la production de riz pour percevoir davantage d’impôts. L’établissement d’une société patriarcale et les efforts pour développer l’agriculture étaient donc cruciaux pour leurs objectifs économiques. Le « Đại Việt sử kí toàn thư » [L’Histoire complète du Đại Việt] réservent à Shi Xie [Sĩ Nhiếp] une période appelée « Période du roi Shi [kỷ Sĩ Vương]. » Celui-ci était considéré comme roi du Vietnam et de nombreux temples, qui existent toujours aujourd’hui, lui sont dédiés, afin que l’on se souvienne de lui comme une monarque ayant œuvré pour que la population vive en paix. Toutefois, dans le brevet d’investiture envoyée par l’empereur de la dynastie Song pour reconnaître Lê-Hoàn (le roi Lê-Đại-Hành), Shi Xie [Sĩ Nhiếp] est décrit comme ayant brillamment fait changer les coutumes vietnamiennes. Ce qui signifie l’assimilation culturelle, l’adoption par les Vietnamiens de coutumes chinoises. Voici le point le plus important que nous devons noter : « La famille vietnamienne, avec sa faible autorité, » « ses tendances individualistes et sa dualité, « a été la cible initiale visée » « par la politique administrative chinoise ». « Le concept chinois d’autorité politique reposait sur un système familial patriarcal », issu du concept « Cultiver ses valeurs morales, gérer sa famille, gouverner son pays et pacifier le monde. » (Une formule confucéenne bien connue) Il faut maintenir l’ordre dans la famille ; La valeur « Hiếu » (piété filiale) doit être associée à la valeur « Trung » (fidélité au roi). Il faut être fidèle au roi comme on est pieux envers son père. Les spécialistes des études chinoises, dont la professeure Ann Cheng que l’EFEO a accueillie ici. ont très bien analysé cette association de valeurs. Donc, ce que Keith Taylor soulève ici est essentiel lorsqu’il dit que tant que la famille vietnamienne est différente [du modèle chinois], les Vietnamiens ne sont pas complètement assimilés. Ce n’est que lorsque les Vietnamiens auront adopté [le modèle] de la famille patriarcale et autoritaire, comme dans les familles chinoises, où les subalternes [les épouses et les enfants] obéissent au doigt et à l’œil que le peuple vietnamien sera complètement assimilé. C’est une observation très profonde et très subtile de Keith Taylor. Et qu’est-ce que le bouddhisme enseigne aux gens? Je parle du bouddhisme des gens ordinaires, du petit peuple : « La vie est souffrance ». La souffrance est un état normal et il faut donc que les gens sachent souffrir. Ce concept fait de la souffrance d’une femme un état ordinaire et acceptable. Cependant, dans ce qui s’appelle la féminité vietnamienne, il y a le mot « đảm đang » dont je souhaite préciser l’étymologie. On ne dit jamais qu’un homme est « đảm đang », le terme est uniquement réservé aux femmes. Quelle est donc la signification de ce terme ? « Đảm » signifie assumer, prendre une responsabilité. « Đang » signifie affronter quelque chose. Les chansons populaires expliquent « đảm đang » très précisément même si on ne n’en connaissait pas l’étymologie. Les femmes « đảm đang » sont comme ça dans les chansons populaires : Pour les Vietnamiens, la signification exacte des 4 vertus féminines, « công, dung, ngôn, hạnh » il faut les comprendre selon le sens donné dans « Gia Huấn ca » (Ode à l’éducation de la famille) écrit par Lý Văn Phức et non par Nguyễn Trãi au début du XIXe siècle. « ‘Công’ veut dire savoir confectionner des gâteaux de riz gluant, » « être minutieuse et fine dans vos travaux d’aiguille. » « ‘Dung’ désigne un visage de jade digne, » « qui ne se veut point séduisant ni séducteur. » ‘Dung’ ne désigne donc pas un beau visage qui servirait aujourd’hui aux concours de beauté. A l’époque, ma professeure de Littérature vietnamienne nous a enseigné que « Dung » signifiait sourire sans montrer les dents. « ‘Ngôn’ vous apprend à présenter poliment une requête, » à exprimer poliment votre accord et votre soumission » « ‘Hạnh’ est la conduite qui témoigne de votre droiture, » votre respect [des normes] et qui vous rend digne de confiance. » Il désigne par excellence la préservation de la virginité pour un seul homme, le mari. Mais comme susmentionné il existait des contrepoids au confucianisme : Le Bouddhisme, le Taoïsme, le Nam tiến [la marche vers le Sud], les influences occidentales, etc. Quels en sont donc les conséquences ? On a appris aux hommes à s’acquitter de leurs responsabilités envers le roi, le père et le professeur, mais aux femmes à mener une vie de dépendance. C’est la raison pour laquelle les Confucianistes disent « La femme sans talent fait preuve de vertu ». Mais demandons-nous si un Vietnamien « traditionnel » accepterait une jeune fille qui n’ait aucun talent et ne sache rien faire ? Ces filles-là sont considérées comme des mauvaises filles, qui n’ont pas une bonne conduite. Or, le Confucianisme porte en lui la puissance de la moralité individuelle. Et en dernière instance, la chose la meilleure et la plus répandue que les Vietnamiens gardent du confucianisme est la puissance de la moralité individuelle. Elle existe en effet dans le confucianisme. Le concept « Nhân » (humanité) est censé être accompli par la personne elle-même. Il en va de même pour la conscience du devoir envers la communauté. Que le Vietnam soit capable de surmonter la Covid-19 de façon aussi impressionnante, c’est en partie grâce à cette conscience du devoir envers la communauté. Nous sommes reconnaissants au confucianisme pour cela. Partie suivante : « Les femmes dans l’histoire et le monde académique ». Il y en a beaucoup, dont les plus remarquables : les sœurs Trưng, Dame Triệu. Quand il m’a fallu traduire en français la phrase « Les sœurs qui sont liées par un serment » à citer dans ma thèse j’ai mieux compris une hypothèse sur laquelle j’avais été vague jusqu’alors. Parce que lorsqu’on traduit en français, il faut être très rigoureux sur les pronoms personnels « Les sœurs Trưng qui sont de Châu-Phong » « sont remplies de colère envers les avides et les féroces, » « de haine envers le meurtrier de leur mari » Le sujet « Bà Trưng » ne fait pas uniquement référence à Bà Trưng Trắc. En effet, bà Trưng Nhị [sa sœur] est aussi originaire de Châu-Phong. Le sujet est « les deux sœurs » qui « sont liées par un serment ». Elles « ont donc levé le drapeau des femmes pour venger la mort de leur mari » « Nương tử » et « tướng quân » désignent non seulement les femmes et l’homme mais aussi les épouses et le mari. Donc, Thi Sách avait-t-il une seule épouse, Trưng Trắc, ou deux épouses, Trưng Trắc et Trưng Nhị ? En effet, tous les sujets des verbes dans ces vers sont traduits au pluriel. Cela veut dire que le fait que les deux sœurs Trưng soient [les épouses de Thi-Sách] n’aurait rien d’extraordinaire Sous leur étendard, il y avait beaucoup de « généraux-femmes ». Au IIIe siècle, Dame Triệu est quant à elle considérée comme extraordinaire car elle a choisi de faire de grandes choses au lieu de se soumettre pour devenir concubine et servante. C’était déjà le destin de la majorité des femmes à l’époque : s’abaisser/se soumettre pour être concubine et servante. C’était la conséquence des trois siècles de domination chinoise. Selon le raisonnement de Tạ Chí Đại Trường, l’histoire a été écrite par les confucéens et donc tout ce qu’ils considéraient comme impoli et indécent était censuré. De ce fait, les références à la vie sexuelle qui est pourtant valorisée dans la société agricole car symbole de fécondité, sont censurées. Mais il reste des traces si on sait lire entre les lignes. Prenons par exemple, le nom des reines de la dynastie Đinh : comme Dame Kiều-Quốc, descendante de Kiều-Công-Tiễn, et Dame Cồ-Quốc, reines de l’empereur Đinh-Tiên-Hoàng. La Dame Trịnh-Quốc, une des reines de l’empereur Lê-Đại-Hành. Tous ces « Quốc » [dans leur nom], selon [l’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường, sont les territoires, dont les propriétaires étaient les familles Trịnh, Cồ. Comme la société était matrilinéaire, c’était la fille qui était l’héritière de la famille, lorsque ces femmes [Cồ-Quốc, Kiều-Quốc] ont épousé Đinh-Tiên-Hoàng, ce mariage a créé ce qui s’appelle une alliance tribale. Nous avons grandi [période contemporaine] dans un pays plusieurs fois divisé, on nous apprend que tout ce qui divise le pays constitue un crime contre la nation. Mais au Xe siècle, le pays n’a jamais été strictement unifié sous un gouvernement central : à l’époque, c’était seulement un ensemble de tribus distinctes. Il leur fallait donc s’allier par le mariage, comme partout dans le monde. [L’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường a donc mis en avant le concept de mariage comme moyen de gagner ou de consolider les alliances intertribales. Ainsi, sous la dynastie Lý, lorsque les frères se disputaient le pouvoir, on hésitait à tuer ceux qui voulaient usurper le trône parce qu’ils étaient frères et sœurs de la même mère. Alors que selon les principes confucéens, la Fidélité au roi (Trung) est absolue. Il faut donc tuer tous les traitres même s’ils sont frères ou fils. C’est la raison pour laquelle Tự-Đức a plus tard tué son frère Hồng-Bảo., parce que selon le confucianisme, la rébellion mérite la mort. [Ces exemples sont tirés] de « Sex và triều đại » [« Sexe et dynasties »] de [l’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường, après avoir été indépendants, nous étions plus disposés à apprendre de la Chine, parce que seul le confucianisme permet d’unir fortement le cœur des Hommes, créer un gouvernement central puissant, dominer toutes les localités, collecter des impôts, [faire croire que] toute la terre appartient au roi, etc. Nous l’adaptions donc volontairement. Et plus la cour des Lý est disposée à apprendre, plus elle s’est hiérarchisée. Sous les dynasties antérieures à la dynastie Lý, il y avait de nombreuses reines dont le statut et le pouvoir étaient égaux. Dès lors qu’il n’y a eu qu’une seule reine avec en dessous des femmes de rangs différents, on se trouvait déjà dans un système confucéen. La dynastie Lý se situait encore entre ces deux pôles. C’est seulement à la fin de la dynastie Lý, selon [l’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường, que les femmes perdirent leurs droits politiques, des droits dont elles avaient joui d’une manière naturelle, légitime, incontestée dans les temps anciens. Telle est la conclusion de Tạ-Chí-Đại-Trường. Antérieurement à la dynastie Lý [1009-1225], Dương-Vân-Nga [reine douairière de la dynastie Đinh 968-980] a joué un rôle important. Selon l’historien Trần Trọng Dương dans « Việt Nam thế kỷ X: những mảnh vỡ lịch sử » [Le Vietnam au Xe siècle : fragments d’histoire], Dương Vân Nga et d’autres femmes ne sont que des personnes qui exécutent en silence ce que les hommes ont déjà décidé. Parce qu’à la mort de Đinh-Tiên-Hoàng, l’héritier était encore jeune. c’est Lê-Hoàn, en sa qualité de mandarin militaire, qui a eu le pouvoir entre ses mains. Dương-Vân-Nga, qu’elle le veuille ou non, était donc une personne sans aucun pouvoir qui met en œuvre silencieusement ce que les hommes imposaient. Telle est l’opinion de l’historien Trần-Trọng-Dương. Mais Tạ-Chí-Đại-Trường [historien] et de nombreux autres auteurs ont défendu l’idée que Dương-Vân-Nga joua le rôle d’une femme puissante, issue d’une famille détenant autrefois un pouvoir très important, avant l’unification du pays par Đinh-Tiên-Hoàng. Il n’est donc pas surprenant que pour conserver cette alliance, Lê-Hoàn épousa la reine de la dynastie précédente [Dương-Vân-Nga]. Il a même repris le titre « Đại-Thắng-Minh » de l’ancien roi Đinh-Tiên-Hoàng pour le donner à sa femme. Pendant des siècles, les gens ont adoré ces trois statues, Dương-Vân-Nga au milieu et ses deux maris, de façon normale et respectueuse Durant la dynastie des Lê postérieure, c’est-à-dire la période du monopole du confucianisme, un mandarin a estimé que ce culte était malsain, et sépara les trois statues installées en deux temples. Mais même après la séparation des temples, Dương-Vân-Nga a toujours suivi son second mari, Lê-Hoàn. Or, conformément à l’ordre confucéen, « le sujet fidèle ne sert pas plus d’un souverain, » « la femme vertueuse ne prend qu’un époux. » Sa statue aurait donc dû être placée avec celle de son premier mari et non avec celle du second. Cela montre que dans ce que nous comprenons des traditions, il y a encore beaucoup de questions à soulever. Voici quelques femmes intellectuelles. Je les qualifie de femmes intellectuelles car elles n’ont pas seulement écrit de la littérature ou de la poésie, mais ont exercé une grande influence sur le monde littéraire et académique de leur époque respective. Et j’ai placé ici cette frise chronologique pour que nous puissions voir que chaque siècle a de telles personnes. Ce sont des personnes dont nous connaissons le nom mais d’autres sont certainement restées anonymes. Je vais présenter le parcours de deux personnes moins connues. [Premièrement], Trịnh-Thị-Ngọc-Trúc, Fille de Trịnh-Tráng et de sa conjointe Nguyễn-Phúc-Ngọc-Tú. Nguyễn-Phúc-Ngọc-Tú est la fille de Nguyễn-Hoàng. Elle est mariée à Trịnh-Tráng, son neveu . En général, dans les familles Trần, Lê postérieur, Trịnh [seigneurs qui ont régnés] et Nguyễn, le mariage entre famille en dépit de la hiérarchie était très répandu et considéré comme normal. [L’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường précise qu’il s’agissait de mariage à des fins d’alliance politiques, comme partout dans le monde. Mais ce type de mariage se produisait avec une forte intensité au Vietnam, au sein non seulement des familles royales mais aussi celles des mandarins, des nobles, Il fallait alors une certaine racine plus profonde. [cf. infra] [A l’ère du monopole du confucianisme], cela montre la dégradation du rôle politique des femmes, qui n’étaient plus qu’un outil politique. Trịnh Thị Ngọc Trúc était une savante de l’époque. Elle est la seule Vietnamienne, jusqu’à aujourd’hui, qui a rédigé une encyclopédie-dictionnaire Han-Nom. Une parenthèse pour les plus jeunes d’entre vous : Les caractères Hán (sinogrammes) sont évidemment l’écriture des Chinois. Et le Nôm, c’est l’écriture composée des unités logographiques des sinogrammes servant à noter / transcrire la langue parlée des Viêts. Il fallait donc traduire les sinogrammes en Nôm pour que les Viêts qui ne lisaient pas les caractères puissent comprendre. Trịnh-Thị-Ngọc-Trúc a créé un dictionnaire qui non seulement traduit mais explique des mots. Cette œuvre monumentale a été la première encyclopédie vietnamienne. Et encore une fois, l’auteur de la première encyclopédie de l’histoire vietnamienne était une femme, et non pas Lê-Quý-Đôn [un homme] comme beaucoup le pensent, Même s’il est vrai que Lê-Quý-Đôn a aussi rédigé une encyclopédie près de deux siècles plus tard. Ngọc-Trúc est donc la première et unique auteure d’un dictionnaire-encyclopédique vietnamien. Sa statue a été érigée avec cinq autres reines [les 5 épouses de Lê-Thần-Tông]. Si la cour de Lê-Thần-Tông n’a pas reconnu Ngọc-Trúc comme une reine, le roi l’estimait beaucoup. Son successeur [le roi Lê-Huyền-Tông] a fait construire un temple pour adorer sa statue avec celles des cinq d’autres reines. [La seconde femme intellectuelle] Nguyễn-Thị-Duệ s’est déguisée en homme pour passer le concours suprême. Elle a été reçue lauréate de premier rang, soit un rang plus élevé que celui de son professeur. Elle est la première et la seule lauréate de premier rang au concours dans l’histoire du confucianisme vietnamien. La chose remarquable est que lors du banquet donné en l’honneur des nouveaux lauréats, le roi Mạc [Mạc Kính Cung] l’a interrogée en voyant ses gestes féminins et sa belle et mince silhouette. Et elle a avoué être une femme. Ce crime, pour la cour féodale, s’appelle le crime de lèse-majesté, celui de mentir au roi, et était puni par la peine de mort. Cependant, le roi l’a non seulement exemptée de la peine capitale, mais l’a admirée et l’a invitée à enseigner aux femmes du palais. Et puis, il l’a prise comme concubine. Lorsque l’armée Trịnh a vaincu l’armée Mạc, elle a été capturée dans la forêt. Elle tenait fièrement une épée et dit à l’armée Trịnh : « Maintenant que vous m’avez, vous devez me ramener à votre maître, » « si vous me touchez, je me tuerai sur le champ. » Les soldats ont donc dû la ramener auprès de leur général. Puis elle est devenue l’épouse du seigneur Trịnh Tráng. Elle était très respectée grâce à son niveau d’éducation. On l’a appelée « lễ sư » (maître) et même « đại lễ sư » (grand maître), c’est-à-dire un maître de niveau supérieur. Elle a servi 3 seigneurs : Un roi de la dynastie Mạc et deux seigneurs de la famille Trịnh. On l’appelle « nhất kính chiếu tam vương » (un miroir unique qui éclaire le chemin des trois rois), c’est-à-dire une femme qui a servi trois rois. Elle était admirée non seulement pour sa sagesse, mais aussi pour sa personnalité et son éloquence verbale. Tous les avantages et indemnités que le roi lui versait, car elle était mandarine à la cour, elle les a consacrés à l’éducation de ses élèves. Grâce à cela, de nombreux élèves de sa province natale ont pu aller à l’école et réussir au concours impérial. Il y a cependant une injustice : On ne l’adore que dans sa localité, de sorte que les étudiants de tout le pays ne connaissent pas cette grande personnalité intellectuelle. Il s’agit d’un temple récemment reconstruit et qui lui est dédié. Mais je pense qu’il est surtout utilisé à des fins touristiques et peu à des fins culturelles. Envisageons maintenant les femmes dans la littérature classique et plus précisément, dans le long poème « Chinh phụ ngâm khúc » (Femme de Guerrier). A propos de ce poème, j’ai demandé à une jeune collègue ce que ce poème signifiait pour elle. Réponse : C’était une protestation contre la guerre injuste. C’est ce que lui enseigne l’école socialiste et ce qu’elle enseigne à ses élèves. Elle donne des cours dans une université de province. Je lui ai demandé d’essayer de trouver ne serait-ce qu’un seul mot qui indiquait que c’était une guerre injuste. Aucun, car c’était une guerre complètement juste, il n’y avait aucune idée d’injustice. Le mandarin a simplement répondu à l’ordre du roi de lutter contre les ennemis. Rien ne mentionne la moindre idée d’une guerre injuste. C’était au contraire une guerre juste et le mari serait récompensé par le roi s’il la gagnait. Ce que je veux souligner au travers de cet exemple est que l’on dit souvent que le poème « Femme de Guerrier » est le chant d’une femme dont le mari est parti faire la guerre. Mais que pense cette femme dont le mari est parti à la guerre ? Que dit-elle dans ces plus de 400 vers ? Un message unique : Tu me manques tellement ! Elle se languit de lui, des plaisirs spirituels : Maintenant que tu es parti, pour qui vais-je chanter et jouer de la harpe ? Et de plaisirs charnels. C’est très clair. C’est la raison pour laquelle le mot « corps » est répété de nombreuse fois dans ces citations à venir. « En vous accompagnant j’avais le cœur bien triste. » (Traduction en français de Tuần Lý Huỳnh Khắc Dụng, 1955) « Que ne suis-je, sur terre, votre beau coursier, Et sur eau que ne suis-je la nef qui vous porte ! » Ça veut dire que j’aimerais être le cheval auquel vous montez. Si vous partez par la route terrestre, je ne suis pas aussi chanceuse que le cheval que vous enfourchez, et vous partez par voies navigables, je n’ai pas la chance du bateau sur lequel vous naviguez. À quoi pensez-vous que ces vers ressemblent ? Aux chansons populaires. Les chansons populaires ont beaucoup de vers d’un contenu similaire. J’aimerais vous soyez ceci ou cela, j’aimerais être ceci ou cela pour qu’il y ait toujours un contact physique entre nous. Ils abondent dans les chansons populaires. « Ponctuant nos serments, nous nous serrions la main, » Cela signifie qu’ils se tiennent la main, se quittent puis se la reprennent sans cesse. « J’espérais l’union du poisson et des eaux, » Lorsque l’on parle de poisson et d’eaux, nous parlons de faire l’amour, n’est-ce pas ? Notamment cette partie : « Les fleurs baignées de lune, la lune s’y reflète. » « La lune y pénétrant avive chaque fleur. » On a l’impression que c’est une description de paysage, mais non. La femme s’assoit et admire la lune qui rqui se reflète sur les fleurs et qui ouvrent leur cœur à la lune. « La lune y pénétrant avive chaque fleur. » Tous les Vietnamiens comprennent bien ce que sont la fleur et la lune, c’est-à-dire l’acte sexuel. Son mari lui manque à un tel point. « Lune et fleurs, fleurs et lune, elles sont incalculables. » « Devant leur harmonie, que mon cœur est en peine ! » Les nuits où j’ai fait l’amour avec vous me manque ! Des mots si élégants et si beaux, mais le sens est bien celui-là. Les 400 vers répètent inlassablement la même idée. Et que fait cette femme quand elle est triste ? Elle appelle à sa « rescousse et la fleur et le vin » Et non pas les travaux d’aiguille ! Car elle n’a « Nulle envie de tenir l’aiguille ou la navette ! » Elle n’est pas du tout une femme qui réunit les quatre vertus féminines. Elle n’a qu’à noyer son chagrin dans l’alcool. Mais le chagrin est si profond que « le vin s’affadit » et « la fleur s’étiole ». Un chagrin insupportable se perpétue dans le poème. « A cause de vous, j’ai abondamment pleuré, » « Et à cause de vous, ma vie est solitaire. » « Puisque je ne saurais être sous votre tente, » Ça veut dire que mon corps ne peut pas être à côté du vôtre. « Vos mouchoirs ne seront humectés de mes larmes » Elle pleure ici mais ces larmes ne pénètrent pas dans le mouchoir que son mari tient. Donc, elle lui montrera les mouchoirs trempés de ses larmes, ce dont je parlerai plus tard. « Quel hasard nous a réunis de la sorte ? » Cela signifie que les rencontres avec le mari ne se passent que dans les rêves. « Ce ne fut qu’une heure de beau songe d’amour ! » Il faut savoir que dans la littérature classique, qui dit « xuân », dit amour / désir et non pas printemps. « Honnie soit ma chance, qui ne vaut pas un songe ! » Ça veut dire que mon corps dans la vie réelle n’est pas égal à celui dans mes rêves qui peut s’allonger à vos côtés. C’est tellement clair. « Bien qu’on craigne souvent la fin d’une illusion, » « Car, en somme, que vaut un grand amour en songe ? » S’aimer mais seulement dans les rêves, même s’il y en a des milliers de fois, n’est rien. « Seul mon cœur est constant et ma pensée fidèle. » « Il n’est pas de moment où je ne pense à vous » Une deuxième idée qui est également associée : Chaque année, je vieillis et je perd ma beauté. Comment puis-je garder cette beauté pour vous jusqu’à votre retour ? « Le vent du printemps porte de rares nouvelles. » « Quel dommage de manquer tant de bons moments ! » « Je pense à ces fleurs de pêcher et de prunus » Le pêcher et le prunus sont en vietnamien une métaphore du couple. Ils ont l’un et l’autre, pourquoi nous ne sommes pas réunis ? « Chaque année qui passe m’enlève un peu de charme » Je deviens de moins en moins charmante d’année en année. Encore une fois, « dung » n’insiste pas sur la beauté des femmes mais sur « un visage de jade sérieux, qui ne se veut point séduisant ni séducteur. » Mais ici, la femme ne suit pas le concept « dung ». « Pensant à ma beauté à peine épanouie » Je suis encore belle comme ça. « Je regrette les jours qui passent un à un » Malheureusement, elle vieillira au fil du temps. Et ce très beau vers : « Me torturent l’esprit de diverses façons. » « Comment, — frêle saule et souple jonc, — pourrais-je Demander que le temps épargne ma jeunesse ? » Moi, une fille « frêle saule et souple jonc », autant svelte et belle. comment pourrais-je conserver éternellement cette jeunesse pour vous ? Ce sont les seuls vers qui portent sur le devoir de la femme de s’occuper de la famille en absence du mari. Rappelez-vous comment le poème « Femme de Guerrier » vous est enseigné à l’école ! Le mari est parti sur le champ de bataille, loin de chez lui. La femme est restée à la maison et s’est occupée de tout pour rassurer son mari. Mais en réalité, il n’y a que ces vers. « Vous avez une mère à la tête chenue Et un poupon au sein, qui exige des soins. » Mère vous attend sans cesse à la porte. Et notre enfant attend d’être nourri. « Je la sers, notre mère, à l’instar d’un bon fils, » Ça veut dire que je m’occupe du pain de famille comme un fils pieux envers notre mère, et non pas comme une belle-fille. « Et j’enseigne l’enfant, lui tenant lieu de père. » Je suis à la fois la mère et le père de notre enfant, de façon simple, comme si cela était naturel. De quoi se plaint-elle de plus ? « Je suis seule à choyer la vieillesse de mère, Je suis seule à donner l’instruction au petit. » « Mon chagrin intime me pèse sur le cœur. » Vous me manquez bien, mon chéri ! », c’est omniprésent dans le poème. Le devoir de s’occuper de tout, comme la femme dans la chanson populaire susmentionnée. Les parties suivantes sont dédiées à réprimander le roi. Le roi qui reste dans son palais doré confortable, près de ses femmes, connait-il le destin d’un soldat sur le champ de bataille ? C’est tout. Ce n’est rien de féodal, juste très humain. C’est comme ça que sont les Vietnamiens. Partie suivante : elle imagine des retrouvailles. « Je rangerai pour vous la robe et la cuirasse, J’enlèverai pour vous les couches de verglas, » « Pour vous je verserai du vin dans un bol d’or, » Je vous inviterai à boire un verre. « Pour vous je mettrai fard et parfum enivrants. » Je vais maintenant me maquiller pour que vous m’admiriez. « Pour vous je mettrai fard et parfum enivrants. » « J’étalerai un à un mes mouchoirs de larmes, » Je vous montre que vous comptez pour moi en voyant chacun de mes mouchoirs qui trempait mes larmes lorsque j’étais loin de vous. « J’étalerai un à un mes mouchoirs de larmes, » « Vous lirez vers par vers mes odes de souffrance. » Ce sont des poèmes tristes que j’ai écrits quand vous m’avez manqué, veuillez évaluer chaque vers pour voir lequel est bon et lequel est mauvais. Leur relation conjugale est une relation égalitaire, d’amis de cœur, d’âmes sœurs. Ce n’est pas du tout celle d’un mari souverain et une femme assujettie. Et ce bonheur doit s’apprécier petit à petit. « Nos coupes s’empliront au fur et à mesure, Nos voix fredonneront strophes après strophes… » C’est une image sur le bonheur. Passons maintenant à l’Histoire de Kiều. Dans l’Histoire de Kiều on dit souvent : « Ce qu’on désigne par le mot talent et ce, qu’on désigne par le mot destinée, combien ces deux choses se montrent habiles à se haïr, à s’exclure » ; (Traduction en français de Nguyễn-Văn-Vĩnh, 1942) Nguyễn-Du est quelqu’un de très confucéen qui croit au mandat du Ciel, au principe de compensation . Il le souligne dans les premiers vers [de l’Histoire de Kiều], Mais il écrit aussi dans ces premiers vers : « Ayant traversé une période que les poètes appellent le temps mis par les mers à se transformer en champs de mûriers et, réciproquement, les champs de mûriers en mers. » « Les choses que j’ai vues m’ont fait souffrir (ont endolori mon cœur). » Ce que je vais vous raconter est une histoire vraie, car le Ciel ne fait pas souffrir des personnes talentueuses. Selon le confucianisme, « une femme sans talent est vertueuse. ». Mais Thúy-Kiều est-elle vertueuse ? Au premier coup d’œil, tout ce que nous voyons c’est sa beauté et son talent. La plus talentueuse du monde. Et le confucianisme n’aime pas les femmes talentueuses. Toutes les descriptions de Thúy-Kiều soulignent son talent. Thúy-Kiều, gagnera ensuite le cœur de nombreuses personnes, de son amoureux au grand mandarin. par son seul talent, et non par aucune vertu. Quand Kiều a été traduite en justice parce qu’elle, une prostituée, a osé épouser un fils d’une famille instruite [Thúc-Sinh], le mandarin de la province a fait porter à Kiều une cangue et l’a torturée. Cependant, en entendant la prière de Thúc-Sinh, affirmant que Kiều est de bonne famille et est instruite, le mandarin lui a demandé de composer un poème sur la cangue qu’elle portait. Le mandarin, après avoir entendu le poème, l’a tellement admiré qu’il a pardonné tous ses crimes. Au départ, il avait dit que dans la mesure où Thúy-Kiều était une prostituée, elle ne pouvait épouser le fils d’une famille de haut rang, Aussi, soit elle retourné travailler dans la maison close, soit elle serait soumise à la torture. Thúy-Kiều avait alors déclaré qu’elle préférait endurer la torture plutôt que de retourner dans la maison close. Il l’a donc torturée. Alors qu’il l’avait initialement traitée comme une grave criminelle, Thúy-Kiều a su lui fait changer d’avis grâce à la composition d’un beau poème, et non à l’aide d’une quelconque vertu. Comment aurait-il pu juger de ses vertus ? Il a permis à son talent de se manifester en lui demander d’écrire un poème. Il dit au père de Thúc-Sinh : Une belle-fille comme elle serait si digne, qu’y aurait-il de mal à l’épouser ? Les lamentations sont aussi une forme de résistance. L’Histoire de Kiều est une longue lamentation d’un cœur brisé . Mais ici se lamenter ne signifie pas se soumettre, mais plutôt résister. La soumission ? Elle se manifeste généralement par le silence. Au contraire [dans le Truyen Kiều] on résiste, on se lamente, on implore le ciel. Par exemple, Thúy-Kiều dit : « Maudite soit cette destinée influencée par l’étoile Đào-Hoa ! » Où sont les quatre vertus féminines d’une belle jeune-fille qui profère de telles paroles ? Cette jeune-fille a traversé tant d’infortunes qu’elle maudit son destin. Elle ne peut s’empêcher de jurer. Les pleurs et les cris amers constituent donc une forme de résistance. Passons au thème « Trời của bình dân » (Le Ciel des petites gens) Pour Nguyễn-Gia-Thiều (poète – 1741-1798), un authentique confucianiste, le Ciel est quelques choses de très abstrait. Les règles invisibles de la nature ne peuvent être contrôlées. « Le Ciel est hors de portée humaine Comme une silhouette d’une personne dans la nuit, vague et indistincte ». (Traduction en français de Vũ Lê Minh Anh et Olivier Tessier) On ne sait rien du tout sur le Ciel, on l’accepte. Mais l’Histoire de Kiều, en empruntant les mots d’une religieuse, dit : « Le bonheur, le malheur, tout cela est dans la Loi de Dieu » Le bonheur et l’infortune dépendent des cieux. « Mais l’origine en est dans le cœur humain. » « Dieu est là, mais tout dépend aussi de nous-mêmes. » L’être humain (homme et femme) est maître de son destin. En résumé, l’Histoire de Kiều comporte beaucoup de citations que tous les Vietnamiens connaissent. Or, je voudrais vous montrer un autre angle de vue : Il y a cette phrase dans le Confucianisme : « Chấp kinh tùng quyền ». « Chấp kinh » signifie qu’il faut respecter le code de conduite confucéenne. Nous sommes toutefois en droit de « tùng quyền » : nous adapter aux situations anormales, tout en respectant la morale confucéenne. La pièce « Kim Thạch kỳ duyên » (L’Union merveilleuse de Kim et Thạch) inspirée d’une histoire vraie racontée par un lettré [Bùi-Hữu-Nghĩa] : Rencontré de façon fortuite, une femme enceinte est forcée d’épouser le chef d’un groupe de bandits. Si elle suivait scrupuleusement les principes du Confucianisme il lui faudrait se suicider, pour protéger sa réputation. Mais dans ce cas-là, l’enfant conçu avec son mari serait mort. Il lui faudrait agir selon la nécessité du moment et faire exception : accepter d’épouser le chef des bandits, pour donner naissance à son enfant, confier son éducation à quelqu’un d’autre et se suicider. C’est ainsi que l’on agit selon la nécessité du moment tout en respectant les principes confucéens. Comment Thúy-Kiều s’est-elle adaptée aux circonstances exceptionnelles auxquelles elle est confrontée ? De différentes de façons. Lorsque Tú-Bà l’a forcée à se prostituer, Kiều a refusé et a tenté de se suicider. Mais elle a été sauvée. La seconde fois, on a cherché à la piéger pour qu’elle soit prise en flagrant délit en s’enfuyant avec Sở-Khanh. Elle a été horriblement suppliciée et a dû se prostituer. « Notre chair et notre peau, à nous humains, sont sensibles à la douleur. » « Quel cœur de pierre pourrait ne pas souffrir à la vue de tant de brutalités sur cette créature splendide ! » Elle est battue, à tel point que Nguyễn-Du intervient et pleure pour elle. C’est pourquoi Thúy-Kiều : [La pauvre fille] « épuisa son vocabulaire d’aveux, de soumission, de prières et de demandes de grâce. » « Elle se lamentait : « Je suis une pauvre femme, » « Séparée de sa famille, et qui a traversé monts et vaux pour venir jusqu’ici. » C’est la lamentation. « Ma vie est entre vos mains. » Kiều était assez intelligente pour faire remarquer à Tú-Bà que si vous me battiez à mort, vous perdriez les 300 taëls d’or investis pour m’acheter. « L’anguille qui rampe dans la boue, n’a plus peur de souiller sa tête. » Ainsi s’adaptent les petits gens confrontés à des situations exceptionnelles. Acculée, elle a dû se prostituer ne pouvant pas se mordre la langue pour se suicider. « Mes menus scrupules de pudeur et d’honnêteté, je m’engage à ne plus les avoir. » Tous les lecteurs comprennent bien que ce sont parmi les plus beaux vers de l’Histoire de Kiều. C’est comme une gifle à la morale confucéenne. S’il faut abandonner ses « menus scrupules de pudeur et d’honnêteté », à quoi sert alors le confucianisme ? Cette philosophie de vie était donc non seulement non-confucianiste, mais même anti-confucianiste. Très opposée au confucianisme. Et dans la réunion de Kim-Trọng et Thúy-Kiều, Thúy-Kiều a de nombreuses fois, refusé de s’unir avec Kim-Trọng mais cela en vain parce que son père et Kim-Trọng l’ont finalement forcée. « Voici son époux, voici sa mère, voici son père, » « Voici son propre frère et voici sa belle-sœur. » Face aux sollicitations de sa famille, elle n’a pu faire autrement. Elle a bien accepté la cérémonie de mariage, mais, durant la nuit de noces, Thúy-Kiều a expliqué à Kim-Trọng que je ne pouvait pas [consommer le mariage]. [Kiều] « Si vous m’aimez, ne me forcez pas comme ça. » Kiều répète encore et encore : « mon corps est misérable et meurtri, » « alors maintenant aimez-moi, ne me forcez pas comme ça. » Kim-Trọng s’est immédiatement montré compréhensif avec elle. Et quand Thúy-Kiều a dit : « Oserais-je, moi, cette boue du ruisseau, accepté de devenir une épouse ? » Kiều se considère comme un corps souillé, qui n’ose pas prendre part à la relation conjugale pure de Kim-Trọng. Kim-Trọng a alors interprété le Confucianisme comme ceci : Il faut ici comprendre que Kim-Trọng est un lettré, un lettré qui a réussi sa carrière et à ce moment mandarin de la cour. interprète le Confucianisme comme ceci : « De tout temps, dans les devoirs de la femme » « Il y a plusieurs façons d’observer la fidélité en amour » Comment peut-il y avoir plusieurs façons d’observer « la fidélité en amour » ? « Il y a les règles courantes et il y a des règles d’exception » « Dans certaines circonstances, l’on ne peut s’en tenir rigoureusement aux principes classiques » C’est la façon de Kim-Trọng, la façon vietnamienne de s’adapter aux circonstances inhabituelles. Et il prétend encore : « Vous avez accompli votre devoir de piété filiale à la place de votre devoir de fidélité en amour » « La pureté de votre corps reste donc intacte » Pendant quinze ans, loin de sa terre natale, Kiều a été avec de nombreux hommes. Elle s’est marié deux fois par amour avant d’être unie à Kim-Trọng. Or, « Vous avez accompli votre devoir de piété filiale à la place de votre devoir de fidélité en amour. » « La pureté de votre corps reste donc intacte. » Aux yeux de Kim-Trọng, Kiều est complètement pure et n’a aucune tache. Seuls des hommes vietnamiens comme Kim-Trọng parlent ainsi, aucun confucéen ne le ferait. Entre les règles confucianistes et la mentalité populaire vietnamienne il y a donc un grand décalage. Le Confucianisme parle de « trinh » (chasteté, fidélité en amour), de « hạnh » (vertu) mais les populations parlent de « nết » (bonne conduite), de « tâm » (cœur pur). « Đẹp người đẹp nết » (une belle personne et une bonne conduite) : « nết » désigne le comportement qui convient et plaît au monde. Je rappelle brièvement que dans le Lục-Vân-Tiên, Nguyễn-Đình-Chiểu a déclamé au début de son œuvre : « Les principales vertus, chez l’homme, doivent être la fidélité, la piété filiale ; » (Traduction en français d’Abel des Michels, 1882) « La chasteté et la modestie sont la vraie parure de la femme. » Beaucoup d’étudiants ne connaissent que ces deux vers de Lục-Vân-Tiên. Ils ne comprennent pas « la chasteté et la modestie » de Kiều-Nguyệt-Nga. La jeune Kiều-Nguyệt-Nga en route vers le bureau de son père, est attaquée par des bandits et risque d’être violée. Sauvée par Lục-Vân-Tiên, elle lui est reconnaissante et l’invite chez elle pour que ses parents puissent manifester leur reconnaissance. Lục-Vân-Tiên rit aux éclats et semble dire : ce n’est rien, c’est un comportement normal pour un gentilhomme. Alors, Kiều-Nguyệt-Nga retire son épingle à cheveux et lui donne. Que signifie-il le fait d’offrir son épingle à cheveux ? C’est une déclaration, un geste d’amour très clair de cette jeune-femme. Mais Lục-Vân-Tiên dit « Restez tranquillement assise où vous êtes ; gardez-vous bien de sortir ! » « Car vous êtes une femme, et moi je suis un homme » « Nguyệt Nga lui jette un regard furtif, et sa pudique réserve augmente » « Je vous ai présenté une épingle, et vos yeux s’en sont détournés, » « Permettez donc à votre humble servante de vous offrir une poésie d’adieu. » Cela signifie que « je ne peux pas vous avouer mon amour avec mon épingle cheveux, » « alors je vous le dis avec un poème, allez-vous le recevoir ? » Un poème, Lục-Vân-Tiên le lettré ne peut le refuser. A partir de cette simple action de Lục-Vân-Tiên [l’écoute du poème], Kiều Nguyệt-Nga, une fois chez elle, sculpte une statue à l’effigie de Lục-Vân-Tiên dont elle réalise également un peintre, et elle les admire jour et nuit. Qu’ont fait les parents de Kiều Nguyệt-Nga en apprenant cela ? Kiều Nguyệt-Nga vient juste d’atteindre l’âge du mariage, environ 13-14 ans, et Lục Vân Tiên a à peine 16 ans. Qu’ont fait les parents de Kiều Nguyệt-Nga en apprenant cela ? Ils ont approuvé les sentiments de leur fille, car c’est un amour sincère. Elle est tellement languie d’amour à contempler la statue et la peinture jour et nuit, qu’ils ont accepté [cet amour]. Ils encouragent l’amour de leur fille au point que lorsque le roi tentait d’offrir Nguyệt-Nga aux ennemis, son père a osé aller contre la volonté du roi et a cherché une servante pour sa place. Encore une fois, cela constitue un crime de lèse-majesté qui peut entrainer l’exécution de trois générations au sein de la famille. Il l’a fait pour protéger l’amour de sa fille. C’est l’amour qu’il protège, et non pas les principes de fidélité et de chasteté du confucianisme. Pour le confucianisme, la fidélité signifie être absolument fidèle [à son amour], ne pas changer d’avis. En effet, si les femmes vietnamiennes sont très fidèles, les personnages féminins dans les œuvres vietnamiennes restent fidèles à leur véritable amour, et non au mariage arrangé par les parents. Quelles sont les différences entre l’Histoire de Kiều écrite Nguyễn Du et l’œuvre originale chinoise ? Beaucoup de gens en ont parlé. Il n’y en a que deux différences, mais elles sont très importantes. Nguyễn Du respecte l’intrigue [originale], il ne change que le style littéraire et deux points dans la totalité du récit : Premièrement, lorsque Thúy-Kiều s’est vendue pour sauver son père. ce dernier, quand il a appris le destin de sa fille, a tenté de se suicider en se frappant la tête. Ce suicide du père existe aussi dans l’original. Dans les versions de Nguyễn-Du et de Qingxin Cairen, Thúy-Kiều dissuade son père de se suicider. Mais dans la version originale de Qingxin Cairen, Thúy-Kiều dit en résumé à son père : je suis une fille, les filles, de toute façon, quittent leurs familles pour suivre leur mari ; pensez que je me marie et quitte la famille tôt, ne pleurez pas et ne soyez pas triste. Mais dans la version de Nguyễn Du, Thúy-Kiều ne dit pas ça du tout. « Mieux vaut donc me sacrifier, moi seule, » « Peu importe qu’une fleur tombe, si l’arbre reste vert de ses feuilles. Autrement dit, si je me sacrifie seule, toute notre famille sera préservée. C’est la responsabilité et la capacité de la fille aînée. « Les vastes rizières et les bufflonnes ayant des bufflons n’égalent pas la fille aînée. » [Proverbe] C’est la responsabilité de l’aînée, et Thúy-Kiều a pu effectivement préserver sa famille. Vương-Quang, son jeune frère, va pouvoir poursuivre ses études, se présenter aux examens, réussir les examens, etc. C’est le raisonnement de Thúy-Kiều dans la version de Nguyễn-Du : « Ce sera comme si vous m’aviez perdue dès mon enfance (comme un fruit non réussi dès le bourgeon) » Ainsi, dans la version de Nguyễn-Du, les filles et les fils sont toujours sur un pied d’égalité C’est la première différence. Le deuxième est l’acquittement de Hoạn-Thư. Dans l’original, Thúy-Kiều, se venge de Hoạn Thư en la faisant battre jusqu’à ce que ses os soient brisés. À tel point que la mère de Hoạn Thư en voyant sa fille souffrir, tombe malade et meurt, ce sont donc deux personnes qui meurent. Alors (que dans le Kiều de Nguyễn Du), Hoạn-Thư dit : « Je porte dans moi, dit-elle, un petit cœur de femme. » « La jalousie est un sentiment commun. » Autrement dit, Hoạn Thư reconnaît la beauté et le talent de Kiều, elle la respecte. « Mais quand on se partage le même homme, il n’est pas aisé d’avoir de la complaisance. » Alors, « La jalousie est un sentiment commun. » « Considérez, en ma faveur, le temps où, dans le temple, vous recopiez les sûtras, » je vous ai laissé une chance de vivre. « Et le jour où vous quittiez ma maison. De propos délibéré, je vous ai laissée partir sans essayer de vous faire suivre. » Qu’est-ce que Thúy-Kiều a fait après avoir quitté le temple ? Thúy-Kiều a volé la cloche d’or et la plaque sonore en argent chez Hoạn Thư. Étant donné qu’elle est une femme et qu’elle a un long voyage à faire, elle n’a pas d’autre choix que de voler pour se préserver. Il suffit donc d’un rappel de Hoạn-Thư : « Et le jour où vous quittiez ma maison. De propos délibéré, je vous ai laissée partir sans essayer de vous faire suivre. » [Hoạn-Thư] : je ne vous ai pas poursuivie quand vous avez volé chez moi. Par conséquence, Thúy-Kiều doit immédiatement la pardonner et abandonner tout ressentiment envers Hoạn-Thư. Il s’agit d’avoir de la tolérance, d’être raisonnable dans la relation avec autrui. Il y a un vers de Kiều que j’aime beaucoup quand je vois des chercheurs étrangers le citer pour partager leur admiration. « Mais pour discuter, il faut tenir compte des arguments d’autrui autant que des siens propres. » Ça veut dire que chacun a ses propres raisons, il est clair que dans l’Histoire de Kiều, Hoạn-Thư a également ses propres raisons, qu’elle est dans son bon droit. Et une fille qui en est consciente est une fille dite « có nết » (avoir bonne conduite). dans le langage populaire vietnamien Il ne s’agit pas ici de la triple soumission ni des quatre vertus. [L’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường a prouvé à travers plusieurs de ses œuvres que la libéralité dans l’amour entre les hommes et les femmes et dans leur vie sexuelle ce sont une coutume de longue date, préservée tout au long de l’histoire vietnamienne. Il le prouve avec l’Histoire. Thúy-Kiều s’est clairement frayé « un chemin pour arriver jusqu’à l’être aimé » et de sa propre volonté a juré serment avec lui, l’a cherché au milieu de la nuit. Quand ses parents l’ont découvert, Thúy-Vân a dit que si sa sœur a une telle relation, laissez-la la remplacer pour épouser Kim-Trọng. Les parents ont répondu : « Quand même les stèles de pierre seraient usées, je ne manquerais pas d’exécuter ta pieuse volonté ». C’est ce que disent les parents à Thúy-Kiều qui traverse le jardin en pleine nuit à la recherche de son aimé. Voilà une société vietnamienne qui respecte le véritable amour d’une femme. Quand Kim-Trọng et Thúy-Kiều se sont retrouvés , pourquoi Thúy-Kiều a-t-elle voulu « Transformer notre liaison qui devait être matrimoniale en une douce liaison d’amitié. » ? Je l’explique avec la sagesse vietnamienne, car se référer au confucianisme et au bouddhisme ne fonctionne pas, ne résoud pas le problème. Thúy-Kiều explique la douleur d’un corps souffrant piteusement. « Les amants longtemps séparés se retrouvaient. » « La fleur de jadis, en présence de l’abeille qui l’avait toujours convoitée ! Cette rencontre ne pouvait avoir lieu sans éveiller quand même quelque idée d’amour constant ! » Kim-Trọng considère Thúy-Kiều comme fidèle en amour et elle est réellement fidèle tant que Kim-Trọng lui reconnaît cette dignité. Alors quand Kim-Trọng dit qu’il la cherche depuis longtemps, « C’était bien par cet amour profond auquel j’ai voué ma vie et non pas par quelque caprice ou amour-propre de galant » Ça veut dire que je vous cherche par loyauté et non pas par convoitise sexuelle, alors si tel est votre souhait, je l’accepte. Une autre raison [de transformer l’amour en amitié] est pour garder l’harmonie avec Thúy Vân, la jeune sœur de Thúy-Kiều. Thúy-Vân dit : « Il y a eu là un fait de rapprochement prédestiné. » « C’était au surplus toujours du même sang et de la même chair. N’est-ce pas ? » C’est-à-dire, je suis, d’une part, la femme de mon mari, et d’autre part, votre jeune sœur. Les mots de Thúy Vân montrent qu’elle n’est pas une femme superficielle, comme on le dit souvent. Elle est au contraire très profonde, car elles [les sœurs] partagent la même souffrance. Face aux mots de Thúy Vân, Thúy-Kiều doit se comporter ainsi. Que signifie ce que j’appelle la « féerie de fin de vie » ? Cela signifie que les dernières journées où Thúy-Kiều a vécu avec Kim-Trọng ont été féériques. Aussi, quand on fait de la divination par l’interprétation des vers du Truyên Kiêu, le devin implore « Ô roi Từ Hải, Ô bonzesse Giác Duyên, Ô fée [immortelle] Thúy-Kiều ». Les gens ordinaires comprennent sa vie de cette façon. De nombreuses autres histoires en nôm partagent la même intrigue : Le personnage féminin est issu d’une famille riche et tombe amoureux d’un garçon pauvre mais qui a du talent ou qui semble en avoir. « Ma fille a un coup de foudre à la vue du visage de ce garçon. » (Traduction en français de Vũ Lê Minh Anh et Olivier Tessier) ont dit les parents de Ngọc-Hoa lorsque sa fille est tout à coup tombée amoureuse. Phạm-Tải mendiait devant la maison de Ngọc-Hoa. Elle devait passer cinq portes pour le rencontrer. En voyant son visage, elle est tombée amoureuse de lui et ses parents ont dû les marier. Quoique riches, les parents ont dû payer au gendre le coût du mariage de leur fille. Apparait ici la tolérance que cultivent les Vietnamiens, sentiment qui est absent dans l’enseignement du confucianisme. Le roi [Trang] pensait à faire de Ngọc-Hoa sa concubine après qu’il ait entendu parler de sa beauté par un prétendant éconduit jaloux de Phạm-Tải. Ngọc-Hoa a alors demandé à son mari de l’accompagner puisqu’ils étaient maintenant unis. Sur leur chemin, Ngọc-Hoa marchait au côté de son mari. En effet, elle avait refusé de s’asseoir dans le palanquin du roi. Tous les mandarins qui les accompagnaient ont dû les suivre. Arrivée à la cour, Ngọc-Hoa a dit au roi qu’elle était mariée et qu’un roi comme lui ne manquait pas de belles jeunes-filles. Pourquoi alors forcerait-t-il une jeune-fille mariée à l’épouser ? Le roi a appelé Phạm-Tải et lui a dit qu’il ne voulait pas l’intimider mais partageait avec lui de belles jeunes-filles, de l’argent, de l’or et des titres comme s’il y avait réussi au concours. Et en échange, il lui laissait juste sa femme. Mais Phạm-Tải a refusé, en expliquant que s’il voulait des titres, de l’or et de l’argent, il devait réussir l’examen et les obtenir lui-même. Il a cependant dit que si le roi tenait absolument à épouser sa femme, il la laisserait pour le servir et rentrerait chez lui. Le mari ne pouvait faire autrement, mais Ngọc-Hoa s’y est fermement opposée. Le roi a alors élaboré un plan pour tuer le mari ce qui fut fait. Ngọc-Hoa n’a pu sauver son mari bien qu’elle ait eu vent du complot à l’avance, Quand son mari est mort, Ngọc-Hoa s’est défigurée et a blâmé sa beauté qui a causé la mort injuste de son mari. Elle s’est tailladé le visage pour détruire sa beauté mais le roi a tout de même exigé de l’épouser. Ngọc-Hoa a alors fait une promesse au roi en ces termes : « Je n’ai que 13 ans. » « Laissez-moi porter le deuil de mon mari pendant 3 ans, » « et je reviendrai ensuite vous servir. » Sur le chemin du retour, Ngọc-Hoa s’est assise sur le palanquin du roi pendant la journée et a ouvert le cercueil de son mari pour s’allonger auprès de lui pendant la nuit. La chose étrange était que le corps du mari ne se décomposait pas. « [Le corps] n’est ni putride ni fétide ni décomposé » « [il] reste toujours comme avant, inchangé » Elle a tenu le corps jusqu’à son retour chez elle. Puis, une fois chez elle, elle a demandé à ses parents de lui construire une maison pour qu’elle puisse vénérer le culte de son mari pendant trois ans. Si ses parents ne l’acceptaient pas et voulaient organiser immédiatement un enterrement, elle se suiciderait. Les parents ont donc accepté de lui construire une maison funéraire. Après trois ans de deuil, Ngọc-Hoa a supplié ses parents de donner tous leurs biens au village en demandant en retour aux villageois de prendre soin d’eux tant qu’ils étaient en vie et de les vénérer après leur mort. En effet, Ngọc-Hoa a dit qu’elle était une fille ingrate qui ne pourrait accomplir cette tâche car elle allait se suicider pour rejoindre son mari. Dans les enfers, Ngọc-Hoa a incité son mari à demander au roi des enfers d’intenter un procès contre le roi immoral qui avait opprimé une jeune-fille mariée. C’est elle qui a développé l’argumentaire, son mari se limitant à rédiger la plainte car il savait écrire. Ils ont déposé cette plainte au roi des enfers et ont gagné le procès. Le roi des enfers a déclaré que bien que le roi fût un parent, la fraternité devait se soumettre à la loi de l’État. En conséquence, le roi des enfers entraîna le roi en enfer et ramena le couple à la vie en faisant du mari le nouveau roi. Par sa seule volonté Ngọc-Hoa a donc rendu à son mari tout ce qu’il méritait. Tous les autres contes en Nôm ont un contenu similaire : L’amour vient de la propre initiative de la femme et c’est elle qui le défend. Passons au chapitre sur les femmes et le droit. Une chanson populaire dit : « Mes biens, je les ai gagnés par mes peines » « Une fois mariée il ne me reste que trois sacs sur sept » Cela signifie que lorsqu’elle vivait avec ses parents, elle faisait des affaires et accumulait des biens, ce qui rappelle le proverbe : « les champs vastes et les bufflonnes ayant des bufflons n’égalent pas la fille aînée. » La fille se tue donc au travail pour disposer de biens qui lui seront donnés par ses parents au moment de son mariage et de son installation chez son mari. « Une fois mariée il ne me reste que trois sacs sur sept » Maintenant qu’elle s’installe chez son mari, elle partage [ses biens] et ne dispose plus que de trois sacs sur sept. Je ne sais pas si ce sont des sacs de riz, d’or ou d’autre chose, mais sur ces sept sacs, il ne lui en reste plus que trois. Cette même chanson populaire poursuit : « Autrefois, je vivais avec mes parents, » « Ils me chérissaient comme une fleur sur une branche » Il n’y a pas de distinction entre garçon et fille, la fille est également notre fille [au même rang que le garçon] « Ils me chérissaient comme une fleur sur une branche » « Maintenant que j’ai emménagée avec toi » « Tu cours après une [autre] beauté et tu trahis mon amour » « Avec de l’argile trop dure on ne saurait fabriquer de marmite » « Va donc prendre une [autre] femme, pour que je me [re]marie » « Toi, tu prends ta femme de l’autre côté de la rivière » « Moi, je vais prendre mon mari juste en face de ta porte » Ce chant n’exprime pas de la colère mais rappelle ce que la loi permet aux femmes vietnamiennes. Il s’agit du droit pénal nationale sous la dynastie Lê. Le Professeur Tạ-Văn-Tài, professeur de droit, qui est maintenant enseignant dans une Université de renom aux États-Unis, a cité cette chanson populaire et a déclaré qu’elle était entièrement protégée par la loi. C’est lui qui a comparé la loi vietnamienne à la loi occidentale, chinoise, etc. Au XVe siècle, le règlement suivant n’existait nulle part ailleurs que sous la dynastie Lê postérieure : Si un mari ne couche pas avec sa femme, la néglige, ne fait l’amour pas avec elle pendant cinq mois, celle-ci est autorisée à le signaler au mandarin local puis à quitter son mari, et celui-ci perd sa femme. Autrement dit, si vous ne couchez pas avec votre femme pendant cinq mois sans raison, vous perdrez votre femme, excepté si vous partez en voyage officiel. Si vous avez des enfants, le terme est prolongé à douze mois, sinon c’est cinq mois. Si la séparation a déjà été validée (par les autorités locales) et que le mari empêche d’autres hommes d’épouser son ex-femme, il sera puni. Selon le professeur Tạ-Văn-Tài, aucun pays n’avait au XVe siècle une telle réglementation ; il en était de même au XIXe siècle. Est puni celui qui fait de sa domestique sa concubine ; s’il délaisse sa femme au profit de sa domestique, il perd son poste / rang. Mais je suis un peu en désaccord avec Tạ-Văn-Tài. D’après sa conclusion, l’égalité Hommes-Femmes a toujours existé au Vietnam, et la loi la protège. Mais selon moi, ce n’est pas tout à fait exact parce que la réalité est plus complexe. À noter que ces lois étaient avant tout imposées aux mandarins, plus qu’à la population dans son ensemble. Parce que la punition en vigueur était la « rétrogradation », or les gens du peuple n’ont pas de rang / poste à perdre. Je doute donc que ce type d’affaire était jugé en dehors de la sphère mandarinale. Quoi qu’il en soit, cela représentait un vrai progrès. Mais voici une loi qui était valable pour tout le monde : Si les parents décédaient sans laisser de testament, les biens étaient répartis à parts égales ou selon leur consentement entre les enfants, sans différenciation entre les fils et les filles. C’était une loi de la dynastie Lê [postérieure]. Seulement 1/20e des biens était réservé à la personne qui honore le culte des ancêtres. Les parents étaient encouragés à faire un testament. Ceci est très important car cela encourage les parents à exprimer clairement leurs volontés. Le détenteur des biens réservés au culte des ancêtres était le fils aîné ou, le cas échéant, la fille aînée. C’est très clair ! La conception selon lequel « Avoir un fils est avoir un enfant, avoir dix filles est considéré comme ne pas avoir d’enfant » n’est vrai qu’en Chine, et non au Vietnam. Car au Viêtnam, la fille aînée est en droit d’honorer le culte de ses parents et de bénéficier de 1/20e de l’héritage, spécialement réservé au culte des ancêtres. Les lois des Nguyễn, en revanche, ont marqué un retour en arrière puisqu’elles reprenaient plus fidèlement les lois de la dynastie Qing. Même les lois de la période coloniale sont moins avancées que celles de la dynastie Lê. En conséquence, le professeur Tạ-Văn-Tài avance que sous les Nguyễn, beaucoup de gens continuaient de suivre les anciennes coutumes, plutôt que les nouvelles lois, et que les mandarins ne les forçaient pas à suivre ces nouvelles lois. Car les lois des Lê sont devenues coutumières que tout le monde suit. Telle est la remarque de Tạ Văn Tài. Un dernier point : qu’en est-il de ces traditions aujourd’hui ? Je ne reviendrai pas sur les 100 ans de féminisme et sur beaucoup d’autres choses, mais aujourd’hui, au début du XXIe siècle, que reste-t-il de ces traditions ? J’ai découvert il y a peu de temps une nouvelle auteure dont le travail a été publié pour la première fois en octobre 2020. Elle s’appelle Kim-Chi et son œuvre s’appelle « Điệu buồn phương Nam » (Triste mélodie du Sud) Il s’agit d’un recueil de nouvelles. La première histoire : le mari chantait très bien le « vọng-cổ » , il était donc systématiquement invité à chanter dans les cérémonies et chorales. Tandis que la femme s’occupait de toutes les activités économiques de la maison. Une fois, alors qu’il était de retour à la maison, en voyant la nouvelle chemise de sa femme, Il était jaloux et l’a cruellement battue. La femme, en colère, a pris l’enfant et est partie. Depuis lors, tout le village l’a mis à l’index, plus personne ne l’a invité à chanter du fait de son ingratitude envers une femme aussi talentueuse. Il a dû vendre ses champs, sa maison, puis il est tombé malade et est mort, sans enterrement approprié. Mais sa femme est revenue pour l’inhumer convenablement, un dernier geste de bienveillance à son égard. Or, lorsque son cadavre a été exhumé pour être enterré dans un nouvel endroit, les os avaient déjà disparu, car il était enterré dans la boue. Cela insinue que le ciel l’a puni. C’est le premier récit. Le second récit s’appelle « Ở ên » (Être seule). J’ouvre une parenthèse pour ajouter que l’auteure est biologiste, c’est-à-dire une spécialiste des sciences naturelles. Elle se présente comme professeure dans une université de province mais je ne sais pas laquelle. Sa ville natale est Kiên-Giang. Ce sont des histoires que l’auteure a observées dans son quotidien. J’y vois l’observation subtile d’une scientifique et une analyse astucieuse malgré son langage populaire. Je vais lire quelques phrases pour vous montrer son style d’écriture : « Pendant que je faisais mes études, elle s’est mariée. » (Traduction en français de Vũ Lê Minh Anh et Olivier Tessier) « Du coup, même si elle avait dix ans de moins que moi, » « son enfant avait le même âge que mon enfant. » Mais son mari partait loin et n’était jamais à la maison. Elle était seule pour élever leur enfant. La femme a expliqué que « c’est son destin, pauvre de lui », autrement dit, elle a pitié de son mari. L’auteure : « J’ai failli tomber dans les pommes en entendant qu’elle avait pitié de son mari » Car « Elle avait pitié de son mari malgré le fait qu’il la néglige. » « Puis, un peu plus tard, il est revenu. » « Maigre et noir, il s’est accroupit » « et a regardé sa femme vendre [quelque chose] avec la chemise trempée de sueur. » « Moche, insouciant et indélicat, elle l’aime pourtant. » « Quelques mois plus tard, elle avait le gros ventre, » « mais son mari était de nouveau parti et la maison a été de nouveau déserte. » « Alors elle a continué à élever sa fille » ; le premier enfant était un garçon. Un jour, en passant devant sa maison, l’auteure l’a vue réparer le toit. Faute d’homme présent, elle devait tout faire elle-même. Puis l’auteure a commenté : « Une autre de ses dents est tombée. » « Je me demande combien de temps elle compte rester seule comme ça ? » « Pas jusqu’à la mort, non ? » « Et le mec, je me demande s’il reviendra. » L’histoire se termine ainsi. Je veux dire que les femmes sont très capables, mais que leurs capacités ne les empêchent pas de souffrir et ce à bien des égards. Ainsi le « Đoạn trường tân thanh » [Le nouveau cri de compassion pour un destin misérable] de Nguyễn Du est loin de disparaitre. Ainsi s’achève ma présentation, merci à tous. Cô đã nói về cách mà sự xuất hiện của người Trung đã thay đổi mối quan hệ giữa nam và nữ so với văn hóa của người bản địa. Câu hỏi của tôi là: Liệu có dấu vết hay điều gì khiến ta nghĩ rằng khi người Kinh dần dần Nam tiến, khi họ đồng hóa với văn hóa Chăm, rồi văn hóa Khmer, Liệu nó cũng thay đổi mối quan hệ giữa đàn ông và phụ nữ? Ma réponse est oui. C’est l’une des raisons qui permettent d’expliquer les différences que tout le monde peut constater sur le rôle des femmes et l’égalité hommes-femmes dans le centre et le sud par rapport au nord. Quand j’ai étudié le féminisme dans la première moitié du XXe siècle, j’ai constaté que le féminisme au centre et au sud du Vietnam se manifeste de façon riche et diversifiée. Mais au nord, il n’y avait presque aucune manifestation. Surtout au début [du siècle]. Ensuite, est né le groupe littéraire Tự-lực-văn-đoàn par Nhất-Linh [Union Littéraire Autonome fondé en 1932-1933] Si l’on compare par exemple l’œuvre « Đoạn tuyệt » (Rupture) de Nhất-Linh du groupe « Tự lực văn đoàn » avec l’œuvre « Tại tôi » (A cause de moi) de Hồ-Biểu-Chánh, On constate que Hồ-Biểu-Chánh va beaucoup plus loin que Nhất-Linh [l’auteur de la « Rupture »] dans la résistance à l’ancien ordre social où les parents interviennent dans le mariage de leurs enfants, etc. Mes questions portent sur l’enseignement des œuvres littéraires dans les écoles vietnamiennes, en particulier par rapport au caractère et aux rôles des personnages féminins. De nombreuses histoires sont enseignées pour affirmer que le rôle d’une femme est d’obéir et de s’occuper de sa famille. Si jamais des femmes commettaient une erreur, il s’agissait d’une erreur très grave, comme le montre l’histoire de Mỵ-Châu – Trọng-Thủy [Zhao Zhongshi] Mỵ-Châu est considérée comme une citoyenne coupable de haute trahison. Je voudrais vous demander quel est le rôle de l’école dans le renforcement de ces modèles. Il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas du tout d’accord car l’histoire de Mỵ-Châu – Trọng-Thủy se déroule à l’époque d’Âu-Lạc mais est analysée d’une manière très nationaliste et marxiste. En premier lieu, je considère l’histoire de Mỵ-Châu – Trọng-Thủy comme une légende. Elle n’appartient pas à l’Histoire comme nous pouvons, par exemple, parler du fait que Ngô-Quyền a effectivement vaincu l’armée des Hán du Sud dans la bataille de Bạch-Đằng. Les deux doivent être distingués. Les légendes peuvent avoir un sens. Mais ce sens est un message qui doit être déchiffré. Et on peut l’interpréter d’une manière ou d’une autre. L’interprétation d’un auteur peut être plus convaincante que celle d’un autre, mais dire que c’est la vérité absolue est impossible car personne n’a d’informations pour dire qui étaient Mỵ-Châu et Trọng-Thủy S’agissant de la forteresse de Cổ-Loa, sur la base des vestiges de nombreux scientifiques, dont Tạ-Chí-Đại-Trường, pensent qu’il s’agissait d’une forteresse construite pendant la période de domination chinoise. Elle s’appelle « thành-kén » (forteresse de cocon), construite sous la dynastie Hán et non pas pendant la période Lạc-Việt. Notre enseignement scolaire a commis deux erreurs importantes : Premièrement, à cause d’un nationalisme exacerbé, on « a mobilisé les 4 000 ans d’histoire dans la lutte contre l’envahisseur », ce qui entraîne une certaine confusion entre les légendes et l’histoire, et cette confusion persiste, plus d’un demi-siècle maintenant après le rétablissement de la paix. Je peux comprendre cette confusion en temps de guerre afin de créer une unité et de « mobiliser l’histoire au service de la guerre » mais en temps de paix, il faudrait être plus lucide, plus serein. De grands scientifiques, y compris de Hanoï, rectifient beaucoup de choses, mais cela n’arrive pas jusqu’aux lycées C’est la première erreur : la confusion met à mal la scientificité de l’histoire. La seconde, pour reprendre les mots de Karl Marx, c’est que l’idéologie dominante est l’idéologie de la classe dominante. Mais notre idéologie dite marxiste nous a conduit dans une situation, je ne sais par quel itinéraire tortueux cela est arrivé car je n’ai pas étudié cette question mais je la vis au quotidien, celle d’une société dans laquelle l’argent et le pouvoir font autorité. Et quand une société est dirigée par l’argent et le pouvoir, la famille est à son tour plus encline à [valoriser] l’argent et le pouvoir. Si l’argent dont dispose deux personnes est égal, le droit appartient « traditionnellement » aux hommes. En termes marxistes, cette idéologie dominante est qualifiée de réactionnaire car il s’agit d’un retour vers un état socio-politique antérieur. vers un état socio-politique antérieur. À noter cependant si vous êtes étudiants : Même au temps du monopole confucianiste, où les concours impériaux et des règles très strictes étaient valorisés, les gens apprenaient aussi bien à l’école qu’en dehors de l’école. Les écoles étaient pour la plupart des écoles privées. Les seules écoles publiques étaient les Quốc-tử-giám (académies impériales), présentent dans quelques provinces seulement, où un mandarin provincial était en charge des questions d’éducation grâce au budget de l’État. Toutes les autres écoles étaient privées, c’est-à-dire des écoles où l’enseignement était donné par un maître d’école. Plus le maître d’école était ouvert, plus il était proche du peuple et des traditions anciennes, plus les élèves pouvaient en profiter. Aujourd’hui, nous avons non seulement les écoles, les enseignant(e)s, mais aussi les livres, Internet et les langues étrangères qui nous permettent d’avoir de nombreux accès aux connaissances. Aussi, ne restons pas assis-là à reprocher à l’école de nous avoir enseigné des stupidités. Faute du temps, je n’ai pas pu revenir sur quelques récits et interprétations très impressionnants qu’a publié [l’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường dans « Sexe et dynastie ». Je vous invite à lire directement ses travaux qui ont été réimprimés au Vietnam. Y a-t-il des éléments [dans ma présentation] que vous trouvez déraisonnable voire inacceptable ? Par exemple, la conclusion de mes travaux en cours est que les Vietnamiennes sont traditionnellement très proactives, très responsables, qu’elles ont confiance en elles et qu’elles sont autonomes. Et qu’elles sont aussi traditionnellement libérales dans leur vie amoureuse et sexuelle. Mais pas seulement les femmes, la société vietnamienne est en fait très libre en amour et dans son rapport au sexe Est-ce acceptable ou est-ce contraire à la réalité que vous vivez ? Khi nghiên cứu xã hội học về giới, vị thế của giới, Phần lớn cho rằng các tiêu chuẩn về giới đã ăn sâu trong quy chuẩn và giá trị truyền thống. Nhưng cô đã chứng minh điều ngược lại: truyền thống Việt Nam “bình đẳng” hơn nhiều. Tuy vậy, có vẻ như nhiều người Việt Nam muốn duy trì chế độ phụ quyền, Núp dưới cái cớ không muốn đảo lộn truyền thống, rằng truyền thống là như vậy. Không chỉ rất nhiều đàn ông, mà cả phụ nữ mong muốn duy trì loại truyền thống này vì có những truyền thống lai căng và rất khác biệt. La raison pour laquelle j’apprécie tant l’Histoire de Kiều est qu’elle est écrite à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Les écrivaines comme Đoàn-Thị-Điểm au XVIIIe siècle font également partie des pionnières, d’une élite féminine. Đoàn-Thị-Điểm (poètesse – 1705-1749) elle-même était aussi une personne singulière. Elle a écrit « Truyền Kỳ tân phả » [Nouveaux récits légendaires], l’un de ses œuvres les plus particulières qui n’a jamais été enseignée à l’école. Cet ouvrage a été relu et analysé par de nombreux scientifiques étrangers du féminisme. Selon moi, ils ont correctement analysé le féminisme dans « Truyền Kỳ tân phả », les femmes comme elle sont minoritaires, avant-gardistes. À l’ère de Nguyễn-Du, l’argent a occupé une position très importante. Ainsi, peut-on lire dans l’Histoire de Kiều « Quand on tient l’argent en main, » « Est-ce difficile d’agir sur les consciences et de faire voir blanc ce qui est noir ? » La corruption chez les mandarins était monnaie courante. A mon avis, si l’Histoire de Kiều est appréciée de tous, par les aristocrates comme par les gens ordinaires, c’est parce que dans cette société contrôlée par l’argent, les gens s’y identifient facilement. Ils ressentent le destin, la situation, les sentiments intimes des personnages de l’histoire de Kiều. Telle est la belle tradition que la littérature de premier ordre doit conserver. La littérature de premier ordre est celle qui préserve les belles traditions de la communauté. J’aime beaucoup l’Histoire de Kiều mais elle est enseignée de manière inadéquate à l’école. De nombreux enseignants et professeurs de Littérature ne prennent pas la peine de lire cette histoire du début à la fin, mais seulement des extraits et des commentaires officiels de ces extraits, et les enseignent encore et encore aux étudiants pour qu’ils passent l’examen. Revenons-en à nos moutons. Quand l’argent prend le contrôle, il bouleverse beaucoup de choses. La société contemporaine cherche toujours à préserver ce qui est ancien. Si cela vous intéresse, vous pouvez lire un livre très avant-gardiste de Đặng-Văn-Bảy « Nam nữ bình quyền » (Égalité Hommes-Femmes), Il a été écrit entre 1923 et 1925, donc très tôt. L’auteur était un enseignant, l’équivalent d’un enseignant de collège aujourd’hui. Le livre a été publié en 1928 et interdit l’année suivante. C’était à l’époque coloniale. Je n’arrivais pas à trouver ce livre quand je faisais ma thèse. Plusieurs décennies plus tard, le fils de l’auteur est venu me confier le manuscrit, et l’université Hoa Sen l’a publié pour la première fois après la conolisation française. La maison d’édition Phụ-Nữ vient de le republier, donc je pense qu’il est facile de le trouver sur le marché. Dans ce livre, Đặng-Văn-Bảy a analysé les inégalités hommes-femmes et les raisons de lutter pour l’égalité. Selon lui, de nombreuses femmes ne souhaitent pas l’égalité. Pourquoi cela ? Selon son explication : Si vous travaillez dur, vous devenez un travailleur compétent. Si vous vous soumettez souvent, vous restez un esclave durant toute votre vie. Parmi les femmes esclaves figurent celles qui souhaitent l’être plus que d’autres, puisqu’elles s’y sont habituées, elles souhaitent conserver cette posture et ne pas en sortir. C’est une loi universelle. Tel est le poids des traditions obsolètes. Parmi les traditions, figurent celles qui sont bonnes, et celles qui sont mauvaises au point qu’elles devraient être enterrées profondément. Les bonnes traditions ne sont pas dédiées non plus à être admirées, mais elles doivent être pratiquées, se perpétuer. Les mauvaises traditions, quant à elles, doivent être enterrées profondément. Il faut les condamner, les analyser. Il y a certes une résistance de la part des conservateurs qui souhaitent garder cet ordre ancien. Mais il y a aussi une détérioration de la moralité sociale, particulièrement visible dans une société dominée par l’argent et le pouvoir. Dans la première moitié du XXe siècle, les féministes disaient : « L’habitude de se reposer sur les autres est la source de l’esclavage » Et elles utilisaient beaucoup le mot esclavage pour parler de l’oppression des femmes par les hommes. Mais de nos jours, le fait que de belles femmes vivent aux crochets des hommes riches est devenu une normalité. N’est-ce pas ? Plus personne ne dénonce cela parce que c’est devenu normal. C’est ce que l’on appelle la banalisation du mal. Quand tout est banalisé, les aberrations deviennent la norme. C’est la dégradation de la moralité d’une société dans laquelle le pouvoir et l’argent dominent tout. Maintenant, quoi qu’on veuille faire, on doit être conscient de ces deux risques [les « mauvaises » traditions et la domination de l’argent et du pouvoir] et lutter pour les neutraliser. Merci à tous. .

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Déroulement de la vidéo:

9.909 Le sujet dont je parlerai aujourd&;hui est
« Les femmes dans les traditions culturelles Viêts ».
9.909 Je dis « les cultures Viêts »
9.909 parce que je parlerai principalement
du groupe ethnique Viêt,
9.909 c&;est-à-dire des Kinh.
9.909 En effet, le Vietnam compte beaucoup d&;ethnies.
9.909 Les traditions, quant à elles,
sont nombreuses au Vietnam.
9.909 Si nous invoquons très souvent
les « traditions » comme prétexte,
9.909 nous sommes pourtant très vagues
sur ce que sont les traditions.
9.909 Les traditions sont donc,
d&;après moi, souvent mythifiées.
9.909 Et elles sont ancrées, c&;est une réalité.
9.909 La nature des traditions peut s&;interpréter
de plusieurs façons,
9.909 sachant que les interprétations de la majorité
ne reflètent pas toujours la vraie nature des traditions.
9.909 Après 1975, je suis venue à
l&;Université de pédagogie de Hô-Chi-Minh-Ville
9.909 pour y enseigner.
9.909 En tant que professeure
d’histoire vietnamienne,
9.909 j&;ai été très surprise et stupéfaite
par l&;intervention
9.909 d&;un enseignant stagiaire en histoire qui,
9.909 répétant ce qui est écrit dans son manuel,
9.909 à déclarer que le peuple vietnamien
a quatre traditions puis les énumérer.
9.909 J&;étais épouvantée
9.909 parce que l&;on ne peut pas
enseigner l&;histoire de cette manière ;
9.909 nous n&;avons aucun fondement
pour affirmer cela.
9.909 Depuis, je remets souvent en question
les différences et les similitudes entre tradition et histoire.
9.909 Quand on parle de traditions, à mon avis,
il nous faut nous questionner :
9.909 D&;où viennent ces discours sur les traditions ?
9.909 Qui les énonce ? Quand ?
9.909 Dans quel contexte ?
Sur quelle(s) base(s) ?
9.909 Quel est leur degré de fiabilité ?
9.909 Ces traditions sont-elles immuables ?
9.909 On devrait comprendre les traditions au pluriel.
9.909 Tous les peuples, toutes les communautés
ont des traditions différentes et spécifiques
9.909 Ces traditions ont-elles
une seule et même origine
9.909 ou sont-elles multiples ?
9.909 Ce sont des questions à se poser.
9.909 En effet, on ne connaît toujours que
des bribes de l&;histoire.
9.909 Mais certaines de ces bribes sont
régulièrement mises en avant,
9.909 tandis que d&;autres ne sont jamais
ou presque jamais mentionnées.
9.909 C&;est notamment le cas de l&;histoire des femmes,
9.909 non seulement au Vietnam
mais aussi dans le monde entier.
9.909 Et lorsqu&;on parle de l&;histoire,
9.909 il faudrait aussi nous questionner
sur les sources mobilisées, sur ses fondements.
9.909 Les sources bibliographiques,
les sources écrites
9.909 sont-elles plus fiables [que l’histoire orale] ?
9.909 Parfois, les sources écrites
sont plus éloignées des réalités
9.909 que les informations transmises oralement
par le folklore.
9.909 C&;est ce que je constate.
9.909 Alors, en quoi l&;histoire et les traditions
se ressemblent-elles ?
9.909 Elles appartiennent au passé et souvent,
concernent la majorité des gens
9.909 L&;Histoire est une trace officielle,
9.909 tandis que les traditions sont préservées
par la coutume et les usages.
9.909 Ce sont leurs analogies.
9.909 Mais qu&;en est-il de leurs différences ?
9.909 Les événements historiques
ne se produisent qu&;une seule fois
9.909 et ne se répètent pas.
9.909 Ils se reproduisent parfois,
mais ils ne sont jamais exactement pareils,
9.909 La 1ère victoire de Bạch-Đằng, par exemple,
n&;est pas similaire à la 2ème ni à la 3ème.
9.909 Les histoires ont des espaces, des temporalités
9.909 et des personnages historiques précis.
9.909 Les traditions, quant à elles, ont des espaces,
9.909 des temporalités et des personnages
9.909 beaucoup plus flous et moins bien définis.
9.909 Il est donc facile de les interpréter comme bon nous semble
9.909 faute de preuves.
9.909 Donc, selon moi,
lorsque nous étudions les traditions,
9.909 il est nécessaire de nous baser
sur les événements historiques,
9.909 sur ce qui peut justifier nos analyses.
9.909 Le temps est généralement représenté
par une flèche horizontale.
9.909 La pointe de la flèche indique le futur
et sa queue indique le passé.
9.909 Et le présent est au milieu.
9.909 Je propose de placer cette flèche horizontale
vers le haut et de la représenter comme un arbre.
9.909 Si je me représente l&;histoire vietnamienne
à partir de cet arbre,
9.909 je place du côté gauche de l&;arbre
9.909 tous les événements politiques,
les changements dynastiques, etc.,
9.909 et du côté droit, toutes les idéologies,
religions, croyances, valeurs.
9.909 Avant la domination chinoise,
9.909 le Vietnam était convaincu
qu&;il possédait quelque chose
9.909 quelque chose de très fort et de profond,
sans réellement savoir de quoi il s&;agissait.
9.909 Après la domination chinoise, pendant un siècle,
9.909 le Vietnam a connu trois courtes dynasties :
les Ngô [939-968], les Đinh [968-980] et les Lê [980-1009].
9.909 Elles ont été suivies par deux dynasties
qui ont duré chacune deux siècles :
9.909 les Lý [1009-1225] puis les Trần [1225-1400].
9.909 Parallèlement à ces repères historiques,
9.909 du côté droit de notre arbre se trouve le bouddhisme,
importé au Vietnam avant la domination chinoise.
9.909 Permettez-moi d&;appeler « le Vietnam » ce pays ancien
9.909 qui ne couvrrait pourtant qu’une partie
du territoire vietnamien actuel.
9.909 Nous savons que le Vietnam ancien avait
de très grands centres bouddhiques,
9.909 comme celui de Luy-Lâu.
9.909 Le bouddhisme, d&;origine Indienne,
est entré au Vietnam de manière pacifique.
9.909 Durant la période de la domination chinoise,
9.909 puis sous les dynasties
Ngô, Đinh, Lê [antérieure] , Lý et Trần,
9.909 nous n&;avions qu&;une vague idée
9.909 de notre attachement
aux trois philosophies
9.909 que sont le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme.
9.909 Puis, sous les dynasties suivantes,
pendant les règnes des Lê postérieurs et des Nguyễn,
9.909 la situation a évolué.
9.909 En effet, avant le début
de la dynastie Lê postérieure [1428-1788],
9.909 le Vietnam avait été occupé
pendant vingt ans par la dynastie Ming.
9.909 Même si la durée de cette occupation, deux décennies,
a été beaucoup plus courte que le millénaire passé,
9.909 nous en savons davantage
car cette période est plus proche de nous
9.909 et nous disposons de plus d’informations
à son sujet.
9.909 De plus, nous connaissons toute l&;importance
de son pouvoir destructeur.
9.909 Tous les livres ont été brûlés sur place
ou ramenés en Chine.
9.909 Tous les documents administratifs ont été détruits.
9.909 La domination, bien qu&;elle n&;ait duré que 20 ans,
a donc eu de graves conséquences.
9.909 Il en résulte que
la dynastie Lê postérieure a décidé
9.909 de nommer le confucianisme
comme idéologie d’État.
9.909 L&;exclusivité du confucianisme n&;a commencé
qu&;à partir de la dynastie des Lê postérieurs
9.909 avec Lê-Thái-Tổ comme fondateur.
9.909 Puis, le Vietnam a été placé sous
la domination coloniale française
9.909 et est entré dans l’ère moderne.
9.909 Il faut souligner ici que
9.909 l’influence du monde occidental sur
le Vietnam n’a pas débuté
9.909 avec la colonisation française,
9.909 mais qu&;elle s&;exerça
dès la fin du XVIe siècle, début XVIIe
9.909 c&;est-à-dire bien avant
la colonisation française.
9.909 Et si le XVe siècle est généralement considéré
comme exclusivement dominé par le confucianisme,
9.909 ce fut en réalité loin d&;être le cas.
9.909 L&;exclusivité signifierait en effet que
9.909 seules les enseignements et examens
relevant du confucianisme étaient autorisés,
9.909 alors que les gens passaient des examens relevant
9.909 des trois enseignements
[le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme].
9.909 Néanmoins, les étudiants qui se rendaient à l&;école
et étaient reçus aux concours (mandarinaux)
9.909 étaient peu nombreux.
9.909 La majorité de la population est-elle assujettie à
l&;exclusivité du dogme confucianiste ?
9.909 Assurément pas.
9.909 Supposons maintenant que
se produise un cataclysme
9.909 qui détruise toutes les sources
documentaires du Vietnam
9.909 et que 300 ans après, des gens
souhaitent étudier ce début du XXIe siècle.
9.909 En cherchant dans les bibliothèques,
9.909 ils trouveraient le programme d&;étude
du ministre de l&;Éducation et de la Formation
9.909 qui contiendrait des tests et examens
sur le marxisme-léninisme.
9.909 Ils découvriraient ainsi qu&;à l&;époque
9.909 toutes les universités enseignaient
le marxisme-léninisme,
9.909 le nombre d&;heures hebdomadaires, etc.
9.909 Partant de là, ils arriveraient à la conclusion que
9.909 le marxisme-léninisme était
la seule idéologie de l&;époque,
9.909 ce qui pour nous, serait ridicule.
9.909 En effet, le fait que les gens apprennent
et passent des examens en marxisme-léninisme
9.909 ne signifie en rien qu&;ils en sont pénétrés
9.909 et considèrent cette forme de pensée
comme leur seule idéologie.
9.909 Il en est de même pour
le confucianisme des Song.
9.909 Le confucianisme des Song
n&;avait pas le monopole
9.909 parce que le bouddhisme
existait toujours au quotidien.
9.909 Bien qu&;il n&;ait plus été reconnu par l&;État,
9.909 le bouddhisme a toujours été présent
dans les pratiques culturelles populaires.
9.909 J&;ai une question sur cet arbre :
9.909 La domination du confucianisme
a duré quatre siècles,
9.909 quatre siècles dans les 2 000 ans
d&;histoire vietnamienne connue.
9.909 Ces 2 000 ans sont
une période connue avec certitude,
9.909 tandis que les 4 000 ans
[de l’histoire vietnamienne] correspondent à
9.909 une période dont nous avons l&;habitude de parler,
9.909 sans qu&;il n&;y ait aucune preuve tangible.
9.909 Quatre siècles de domination du confucianisme
sur 2 000 ans d&;histoire, est-ce un grand nombre ?
9.909 Oui. Mais ce n&;est pas toute [l’histoire vietnamienne].
9.909 On dit que l&;influence occidentale a pénétré
au début du XVIIe siècle.
9.909 Et on est au XXIe siècle,
9.909 plus de quatre siècles.
9.909 Dans ce cas-là, pourquoi
considérons-nous le confucianisme
9.909 comme sacré, intouchable,
9.909 et la culture occidentale comme
9.909 exotique, étrangère, pénétrante
et potentiellement dangereuse ?
9.909 Il s&;agit évidemment d&;une connaissance imparfaite,
9.909 reprise inconsciemment ou consciemment,
9.909 du fait d&;une éducation inadéquate
9.909 et d&;une compréhension incomplète
de nos propres traditions et cultures.
9.909 C&;est la raison pour laquelle
je me questionne sérieusement
9.909 au sujet du monopole du confucianisme
dans la société vietnamienne.
9.909 Pourquoi cela concerne-t-il autant les femmes ?
9.909 En effet, aucune idéologie ne s&;est montrée
aussi misogyne que le confucianisme des Song.
9.909 Du moins à l&;échelle
des idéologies influençant le Vietnam.
9.909 Ce qui est le moins bien connu
par la majorité des Vietnamiens
9.909 c&;est la « civilisation de l&;Asie du Sud-Est »,
9.909 alors je l&;ai mise sous terre,
là où elle n&;est pas visible.
9.909 Il s&;agit d&;une civilisation à part entière,
9.909 très différente du bouddhisme
comme du confucianisme.
9.909 C&;est elle la racine.
9.909 C&;est elle qui m&;intéresse profondément.
9.909 Et pour moi, elle exerce
une influence importante
9.909 sur la place des femmes dans la société.
9.909 Qu&;elle est cette culture de l&;Asie du Sud-Est ?
9.909 Elle se compose d’éléments très différents.
9.909 J&;ai une remarque à faire ici :
9.909 La riziculture nécessite une main-d’œuvre importante,
dont les femmes et les enfants.
9.909 Tant que les femmes et les enfants
contribuent à la production,
9.909 tant qu&;ils produisent de la nourriture,
9.909 ils ne peuvent pas être exclus de l&;histoire.
9.909 Ils ne peuvent pas être complètement ignorés.
9.909 Et cette source culturelle sud-est asiatique,
où est-elle conservée ?
9.909 Dans la littérature orale du folklore.
9.909 On dit souvent que l&;héritage laissé
par la colonisation française
9.909 est un taux d&;analphabétisme de 90 %,
9.909 même plus de 90 %.
9.909 Ce qui veut dire que plus de 90 % de la population
ne savaient ni lire ni écrire.
9.909 Cela est sans doute vrai.
9.909 Mais,
9.909 ces 90 % de la population
9.909 n&;étaient pas pour autant
des gens incultes, des barbares
9.909 car ils ont acquis des connaissances par l&;oralité.
9.909 J&;ai eu la chance d&;avoir des contacts
avec ma grand-mère,
9.909 qui est née au début XXe siècle.
9.909 Elle était issue d&;une famille
de paysans pauvres, très pauvres,
9.909 et elle n&;est jamais allée à l&;école.
9.909 Mais elle pouvait réciter par cœur
de nombreuses œuvres classiques
9.909 que de nombreux Vietnamiens
ne connaissent plus aujourd&;hui.
9.909 Et ces œuvres classiques,
ces chansons folkloriques, proverbes,
9.909 Histoires de Kiều, de Lục-Vân-Tiên, etc.,
9.909 portent en eux les traditions
et cultures du Vietnam
9.909 auxquels ceux qui ne lisent que les manuels scolaires
n&;ont pas un accès aussi complet et approfondi.
9.909 Une chose que nous oublions également,
c&;est la culture maritime.
9.909 En effet, nous possédant un long littoral,
largement étendu avec le Nam tiến [la marche vers le Sud].
9.909 Mais avec un littoral aussi étiré,
9.909 plus le fait que [les cultures maritimes]
9.909 ne sont pas conversées
dans des documents écrits
9.909 mais seulement à travers une culture orale,
9.909 il ne nous reste que des proverbes
ou des expressions toutes faites
9.909 sur l’action de résister aux tempêtes,
de lutter contre vents et marées,
9.909 qui appartiennent tous à la culture maritime.
9.909 De plus, il y a une autre chose importante :
la légende de Lạc Long Quân – Âu Cơ.
9.909 La légende de Lạc Long Quân – Âu Cơ,
9.909 ne doit bien sûr pas être considérée
comme une histoire réelle
9.909 mais comme un mythe qui véhicule un message.
9.909 Ce message, tel que déchiffré par Keith Taylor,
9.909 représente une combinaison entre
la culture maritime, ou tournée vers l’océan
9.909 et l&;environnement continental.
9.909 C&;est-à-dire une combinaison
de deux mondes très différents.
9.909 Lạc-Long-Quân dit :
9.909 « Je suis de la race des Dragons,
vous êtes de celle des fées,
9.909 bien que nous ayons donné naissance
à des enfants,
9.909 nous sommes aussi incompatibles
que l&;eau et le feu,
9.909 nous sommes d’origine raciale différente… »
9.909 Deux ethnies très différentes
9.909 mais qui se sont combinées
pour donner naissance à des enfants.
9.909 Ces 100 enfants nés
dans la poche d&;Âu-Cơ,
9.909 l&;utérus de la femme,
9.909 rappellent aux Vietnamiens
9.909 qu&;ils sont liés par le sang malgré les différences
9.909 dans leurs modes de vie,
dans leurs pratiques quotidiennes, etc.
9.909 Pour Keith Taylor,
il s’agit de la plaine et de la mer.
9.909 Pour Tạ-Chí-Đại-Trường [historien],
il s&;agit du delta littoral septentrional,
9.909 le delta du fleuve Rouge actuel,
9.909 région de Hà Nội actuel et des alentours
9.909 et les Hauts-plateaux
9.909 Pour de nombreux autres chercheurs,
cette différence d’origine pourrait évoquer
9.909 les autochtones et les immigrants
de Chine, d&;Asie du Sud-Est, etc.
9.909 Mais une chose est sûre :
9.909 ce sont deux ou plusieurs communautés
culturellement distinctes,
9.909 qui ont vécu ensemble en harmonie,
9.909 qui ont coopéré sur la même terre,
9.909 se sont considérées comme liés par le sang.
9.909 C&;est un point très important.
9.909 Ces traditions se manifestent
dans la culture Đông Sơn,
9.909 dans les légendes et mythes
du temps des rois Hùng.
9.909 La contribution importante
de Keith Taylor est de
9.909 montrer que ces légendes sont
la première manifestation
9.909 de l&;identité du Vietnam en tant que peuple.
9.909 « Peuple » ici ne se comprend pas
dans le sens moderne du terme,
9.909 comme des individus qui partagent
un même marché, une même langue, etc.
9.909 Il s&;agit plutôt de populations
qui vivent ensemble sur une même terre.
9.909 Je pense que cela correspond très bien
à la pensée populaire vietnamienne
exprimée dans la chanson folklorique :
9.909 « Citrouille, aime-moi la courge, je t’en prie !
Car, bien que d&;espèces différentes,
nous poussons sous la même tonnelle »
9.909 En effet, différentes ethnies
se sont installées dans le delta du fleuve Rouge.
9.909 Des ethnies qui,
malgré leurs différences linguistiques, vivent ensemble.
9.909 Ne nous imaginons pas un peuple
issu d&;une seule origine ethnique,
9.909 dirigé par un roi, une cour et des mandarins,
9.909 mais une sorte d&;alliance tribale
vaguement coalisée.
9.909 Des liens se sont forgés
entre les petites communautés.
9.909 Elles ont cohabité sur cette terre
pendant de nombreux siècles,
9.909 pendant plusieurs centaines d&;années,
9.909 avant la domination chinoise.
9.909 C&;est ce que rappelle Keith Taylor.
9.909 Dans une telle société,
les femmes avaient un statut relativement élevé,
9.909 la famille étant alors de filiation bilinéaire.
9.909 La famille bilinéaire désigne une famille
dans laquelle le père et la mère
9.909 peuvent se relayer pour devenir chef de famille
en fonction des moments et des circonstances.
9.909 Telle est la famille bilinéaire.
9.909 Il ne s&;agit pas seulement
d&;une famille patrilinéaire ou matrilinéaire.
9.909 En termes de filiation, avant la domination chinoise,
le Vietnam était matrilinéaire.
9.909 La plupart des ethnies au Vietnam
sont matrilinéaires.
9.909 Mais en termes de pouvoir,
9.909 la matrilinéarité n’implique
nécessairement pas le matriarcat.
9.909 Alors, sur quels document
Keith Taylor s&;appuie-t-il ?
9.909 Dans les archives vietnamiennes,
il n&;y a pas grand-chose sur ce sujet.
9.909 Mais le Vietnam apporte
une grande contribution à l&;archéologie.
9.909 Ces résultats archéologiques permettent aux gens
de mieux appréhender ces sujets.
9.909 Et il est possible que Keith Taylor se base
sur les documents et archives de la Chine,
9.909 car la documentation chinoise
contient des informations
9.909 sur des sociétés périphériques
à la Chine à cette époque.
9.909 Il affirme que les sociétés chinoise et vietnamienne
étaient différentes.
9.909 Dans les premiers jours de la domination chinoise,
9.909 l&;histoire a enregistré les noms des hommes
tels Xi Guang [Tích Quang], Rén Yán [Nhâm Diên], etc.
9.909 Les phrases que je citerai ici
sont issues de l&;histoire officielle chinoise
9.909 et sont extraites par Keith Taylor.
9.909 Selon le constat de Rén Yán [Nhâm Diên],
9.909 gouverneur à Jiuzhen
[Cửu-Chân : les provinces Thanh-Hóa – Nghệ-An actuelles] :
9.909 « Les Lạc n&;ont pas de famille stable. »
9.909 « Ils s&;accouplent au hasard »
9.909 « et ne connaissent pas [les catégories]
parents, enfants et conjoints »
9.909 Ne nous précipitons pas pour en conclure que
9.909 les envahisseurs jugeaient que
nos ancêtres étaient des barbares.
9.909 Ils ont trouvé cette situation
vraiment différente,
9.909 car la société vietnamienne à l&;époque
n&;était pas monogame
9.909 et surtout ne suivait pas strictement
le système familial patriarcal comme en Chine.
9.909 C&;est ce que les dirigeants chinois
ont tenté de changer au Lạc-Việt.
9.909 Et à la fin, ils ont réussi à le faire.
9.909 Mais cela a été fait avec beaucoup
de difficulté et a pris des siècles.
9.909 Rén Yán [Nhâm Diên] est célèbre
9.909 pour avoir organisé une seule
et même cérémonie de mariage
9.909 pour des milliers de couples
9.909 Ces couples, après avoir eu des enfants,
ont tous pris le nom de famille de Rén Yán [Nhâm Diên],
9.909 car les Lạc, étant matrilinéaires,
n&;avaient pas de nom de famille,
9.909 seulement un nom individuel.
9.909 A ce sujet, Keith Taylor souligne
9.909 les deux objectifs poursuivis
par les dirigeants Han
9.909 depuis le début de l’ère chrétienne.
9.909 Avant l&;ère chrétienne, l’exploitation économique
[du Lạc-Việt] était plus limitée
9.909 car les Chinois n&;en avaient pas trop besoin.
9.909 Ils se concentraient sur
les cornes de rhinocéros, l&;ivoire, etc.
9.909 des produits précieux présents dans ce pays tropical
et introuvables en Chine,
9.909 Quand ils se sont tournés vers
une exploitation économique plus intensive,
9.909 ils ont eu besoin de lever des impôts.
9.909 Pour servir cet objectif,
9.909 le système de la famille patriarcale monogame
était bien adapté
9.909 puisqu’il permettait de recenser la population.
9.909 Ils ont également favorisé
le développement agricole,
9.909 en particulier dans les provinces actuelles
de Thanh-Hóa et de Nghệ-An,
9.909 où existaient déjà des productions agricoles
9.909 mais moins développées que
dans le delta du fleuve Rouge.
9.909 L&;objectif était d&;augmenter
la production de riz
9.909 pour percevoir davantage d&;impôts.
9.909 L&;établissement d&;une société patriarcale
et les efforts pour développer l&;agriculture
9.909 étaient donc cruciaux
pour leurs objectifs économiques.
9.909 Le « Đại Việt sử kí toàn thư » [L’Histoire complète du Đại Việt]
réservent à Shi Xie [Sĩ Nhiếp] une période
9.909 appelée « Période du roi Shi [kỷ Sĩ Vương]. »
9.909 Celui-ci était considéré comme roi du Vietnam
9.909 et de nombreux temples,
qui existent toujours aujourd&;hui, lui sont dédiés,
9.909 afin que l&;on se souvienne de lui
9.909 comme une monarque
ayant œuvré pour que la population vive en paix.
9.909 Toutefois, dans le brevet d&;investiture envoyée
par l&;empereur de la dynastie Song
9.909 pour reconnaître Lê-Hoàn
(le roi Lê-Đại-Hành),
9.909 Shi Xie [Sĩ Nhiếp] est décrit
9.909 comme ayant brillamment
fait changer les coutumes vietnamiennes.
9.909 Ce qui signifie l’assimilation culturelle,
9.909 l&;adoption par les Vietnamiens de coutumes chinoises.
9.909 Voici le point le plus important
que nous devons noter :
9.909 « La famille vietnamienne, avec sa faible autorité, »
9.909 « ses tendances individualistes et sa dualité,
9.909 « a été la cible initiale visée »
9.909 « par la politique administrative chinoise ».
9.909 « Le concept chinois d&;autorité politique reposait sur
un système familial patriarcal »,
9.909 issu du concept
9.909 « Cultiver ses valeurs morales, gérer sa famille, gouverner son pays
et pacifier le monde. » (Une formule confucéenne bien connue)
9.909 Il faut maintenir l&;ordre dans la famille ;
9.909 La valeur « Hiếu » (piété filiale) doit être
associée à la valeur « Trung » (fidélité au roi).
9.909 Il faut être fidèle au roi
comme on est pieux envers son père.
9.909 Les spécialistes des études chinoises,
9.909 dont la professeure Ann Cheng
que l&;EFEO a accueillie ici.
9.909 ont très bien analysé cette association de valeurs.
9.909 Donc, ce que Keith Taylor soulève ici
est essentiel lorsqu&;il dit que
9.909 tant que la famille vietnamienne est différente
[du modèle chinois],
9.909 les Vietnamiens ne sont pas
complètement assimilés.
9.909 Ce n&;est que lorsque les Vietnamiens
auront adopté [le modèle]
9.909 de la famille patriarcale et autoritaire,
9.909 comme dans les familles chinoises,
9.909 où les subalternes [les épouses et les enfants]
obéissent au doigt et à l&;œil
9.909 que le peuple vietnamien sera
complètement assimilé.
9.909 C&;est une observation très profonde
et très subtile de Keith Taylor.
9.909 Et qu&;est-ce que le bouddhisme
enseigne aux gens?
9.909 Je parle du bouddhisme
des gens ordinaires, du petit peuple :
9.909 « La vie est souffrance ».
9.909 La souffrance est un état normal
et il faut donc que les gens sachent souffrir.
9.909 Ce concept fait de la souffrance
d&;une femme un état ordinaire et acceptable.
9.909 Cependant, dans ce qui s&;appelle
la féminité vietnamienne,
9.909 il y a le mot « đảm đang »
dont je souhaite préciser l&;étymologie.
9.909 On ne dit jamais qu&;un homme est « đảm đang »,
le terme est uniquement réservé aux femmes.
9.909 Quelle est donc la signification de ce terme ?
9.909 « Đảm » signifie assumer,
prendre une responsabilité.
9.909 « Đang » signifie affronter quelque chose.
9.909 Les chansons populaires expliquent
« đảm đang » très précisément
9.909 même si on ne n&;en connaissait pas l&;étymologie.
9.909 Les femmes « đảm đang » sont comme ça
dans les chansons populaires :
9.909 Pour les Vietnamiens,
la signification exacte
9.909 des 4 vertus féminines,
« công, dung, ngôn, hạnh »
9.909 il faut les comprendre selon le sens donné
dans « Gia Huấn ca » (Ode à l’éducation de la famille)
9.909 écrit par Lý Văn Phức et
non par Nguyễn Trãi au début du XIXe siècle.
9.909 « &;Công&; veut dire savoir confectionner
des gâteaux de riz gluant, »
9.909 « être minutieuse et fine
dans vos travaux d&;aiguille. »
9.909 « &;Dung&; désigne un visage de jade digne, »
9.909 « qui ne se veut point séduisant ni séducteur. »
9.909 &;Dung&; ne désigne donc pas un beau visage
qui servirait aujourd’hui aux concours de beauté.
9.909 A l&;époque, ma professeure de Littérature vietnamienne
nous a enseigné que
9.909 « Dung » signifiait sourire sans montrer les dents.
9.909 « &;Ngôn&; vous apprend à présenter poliment une requête, »
9.909 à exprimer poliment votre accord et votre soumission »
9.909 « &;Hạnh&; est la conduite qui témoigne de votre droiture, »
9.909 votre respect [des normes] et qui vous rend digne de confiance. »
9.909 Il désigne par excellence
la préservation de la virginité
9.909 pour un seul homme, le mari.
9.909 Mais comme susmentionné
il existait des contrepoids au confucianisme :
9.909 Le Bouddhisme, le Taoïsme,
9.909 le Nam tiến [la marche vers le Sud],
les influences occidentales, etc.
9.909 Quels en sont donc les conséquences ?
9.909 On a appris aux hommes
à s&;acquitter de leurs responsabilités
9.909 envers le roi, le père et le professeur,
9.909 mais aux femmes à mener
une vie de dépendance.
9.909 C&;est la raison pour laquelle
les Confucianistes disent
9.909 « La femme sans talent fait preuve de vertu ».
9.909 Mais demandons-nous
9.909 si un Vietnamien « traditionnel »
accepterait une jeune fille
9.909 qui n&;ait aucun talent et ne sache rien faire ?
9.909 Ces filles-là sont considérées comme
des mauvaises filles, qui n&;ont pas une bonne conduite.
9.909 Or, le Confucianisme porte en lui
la puissance de la moralité individuelle.
9.909 Et en dernière instance,
la chose la meilleure et la plus répandue
9.909 que les Vietnamiens gardent du confucianisme
est la puissance de la moralité individuelle.
9.909 Elle existe en effet dans le confucianisme.
9.909 Le concept « Nhân » (humanité)
est censé être accompli par la personne elle-même.
9.909 Il en va de même pour
la conscience du devoir envers la communauté.
9.909 Que le Vietnam soit capable de surmonter
la Covid-19 de façon aussi impressionnante,
9.909 c’est en partie grâce à cette conscience
du devoir envers la communauté.
9.909 Nous sommes reconnaissants
au confucianisme pour cela.
9.909 Partie suivante :
9.909 « Les femmes dans l&;histoire
et le monde académique ».
9.909 Il y en a beaucoup, dont les plus remarquables :
les sœurs Trưng, Dame Triệu.
9.909 Quand il m&;a fallu traduire en français la phrase
9.909 « Les sœurs qui sont liées par un serment »
9.909 à citer dans ma thèse
9.909 j&;ai mieux compris une hypothèse
sur laquelle j&;avais été vague jusqu&;alors.
9.909 Parce que lorsqu&;on traduit en français,
il faut être très rigoureux sur les pronoms personnels
9.909 « Les sœurs Trưng qui sont de Châu-Phong »
9.909 « sont remplies de colère envers les avides et les féroces, »
9.909 « de haine envers le meurtrier de leur mari »
9.909 Le sujet « Bà Trưng » ne fait pas
uniquement référence à Bà Trưng Trắc.
9.909 En effet, bà Trưng Nhị [sa sœur]
est aussi originaire de Châu-Phong.
9.909 Le sujet est « les deux sœurs »
qui « sont liées par un serment ».
9.909 Elles « ont donc levé le drapeau des femmes
pour venger la mort de leur mari »
9.909 « Nương tử » et « tướng quân » désignent
non seulement les femmes et l&;homme
9.909 mais aussi les épouses et le mari.
9.909 Donc, Thi Sách avait-t-il une seule épouse, Trưng Trắc,
9.909 ou deux épouses, Trưng Trắc et Trưng Nhị ?
9.909 En effet, tous les sujets des verbes
dans ces vers sont traduits au pluriel.
9.909 Cela veut dire que le fait que
9.909 les deux sœurs Trưng soient [les épouses de Thi-Sách]
n&;aurait rien d&;extraordinaire
9.909 Sous leur étendard, il y avait beaucoup
de « généraux-femmes ».
9.909 Au IIIe siècle, Dame Triệu est quant à elle
considérée comme extraordinaire
9.909 car elle a choisi de faire de grandes choses
9.909 au lieu de se soumettre
pour devenir concubine et servante.
9.909 C&;était déjà le destin
de la majorité des femmes à l&;époque :
9.909 s&;abaisser/se soumettre
pour être concubine et servante.
9.909 C&;était la conséquence
des trois siècles de domination chinoise.
9.909 Selon le raisonnement de Tạ Chí Đại Trường,
9.909 l&;histoire a été écrite par les confucéens
9.909 et donc tout ce qu&;ils considéraient
comme impoli et indécent était censuré.
9.909 De ce fait, les références à la vie sexuelle
9.909 qui est pourtant valorisée dans la société agricole
9.909 car symbole de fécondité, sont censurées.
9.909 Mais il reste des traces
si on sait lire entre les lignes.
9.909 Prenons par exemple,
le nom des reines de la dynastie Đinh :
9.909 comme Dame Kiều-Quốc,
descendante de Kiều-Công-Tiễn,
9.909 et Dame Cồ-Quốc,
reines de l&;empereur Đinh-Tiên-Hoàng.
9.909 La Dame Trịnh-Quốc,
une des reines de l&;empereur Lê-Đại-Hành.
9.909 Tous ces « Quốc » [dans leur nom],
selon [l’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường,
9.909 sont les territoires,
9.909 dont les propriétaires étaient
les familles Trịnh, Cồ.
9.909 Comme la société était matrilinéaire,
9.909 c&;était la fille qui était l&;héritière de la famille,
9.909 lorsque ces femmes [Cồ-Quốc, Kiều-Quốc]
ont épousé Đinh-Tiên-Hoàng,
9.909 ce mariage a créé
ce qui s&;appelle une alliance tribale.
9.909 Nous avons grandi [période contemporaine]
dans un pays plusieurs fois divisé,
9.909 on nous apprend que tout ce qui divise le pays
constitue un crime contre la nation.
9.909 Mais au Xe siècle,
le pays n&;a jamais été strictement unifié
9.909 sous un gouvernement central :
9.909 à l&;époque, c&;était seulement
un ensemble de tribus distinctes.
9.909 Il leur fallait donc s&;allier par le mariage,
9.909 comme partout dans le monde.
9.909 [L’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường
a donc mis en avant le concept de mariage
9.909 comme moyen de gagner
ou de consolider les alliances intertribales.
9.909 Ainsi, sous la dynastie Lý,
lorsque les frères se disputaient le pouvoir,
9.909 on hésitait à tuer
ceux qui voulaient usurper le trône
9.909 parce qu&;ils étaient
frères et sœurs de la même mère.
9.909 Alors que selon les principes confucéens,
9.909 la Fidélité au roi (Trung) est absolue.
9.909 Il faut donc tuer tous les traitres
même s&;ils sont frères ou fils.
9.909 C&;est la raison pour laquelle Tự-Đức
a plus tard tué son frère Hồng-Bảo.,
9.909 parce que selon le confucianisme,
la rébellion mérite la mort.
9.909 [Ces exemples sont tirés] de
« Sex và triều đại » [« Sexe et dynasties »]
9.909 de [l’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường,
9.909 après avoir été indépendants,
nous étions plus disposés à apprendre de la Chine,
9.909 parce que seul le confucianisme
permet d&;unir fortement le cœur des Hommes,
9.909 créer un gouvernement central puissant,
9.909 dominer toutes les localités,
collecter des impôts,
9.909 [faire croire que]
toute la terre appartient au roi, etc.
9.909 Nous l&;adaptions donc volontairement.
9.909 Et plus la cour des Lý est disposée à apprendre,
plus elle s&;est hiérarchisée.
9.909 Sous les dynasties antérieures à la dynastie Lý,
9.909 il y avait de nombreuses reines
dont le statut et le pouvoir étaient égaux.
9.909 Dès lors qu&;il n&;y a eu qu&;une seule reine
9.909 avec en dessous
des femmes de rangs différents,
9.909 on se trouvait déjà
dans un système confucéen.
9.909 La dynastie Lý se situait encore
entre ces deux pôles.
9.909 C&;est seulement à la fin de la dynastie Lý,
selon [l’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường,
9.909 que les femmes perdirent leurs droits politiques,
9.909 des droits dont elles avaient joui
d&;une manière naturelle, légitime, incontestée
9.909 dans les temps anciens.
9.909 Telle est la conclusion de Tạ-Chí-Đại-Trường.
9.909 Antérieurement à la dynastie Lý [1009-1225],
9.909 Dương-Vân-Nga
[reine douairière de la dynastie Đinh 968-980]
9.909 a joué un rôle important.
9.909 Selon l&;historien Trần Trọng Dương dans
9.909 « Việt Nam thế kỷ X: những mảnh vỡ lịch sử »
[Le Vietnam au Xe siècle : fragments d’histoire],
9.909 Dương Vân Nga et d&;autres femmes
ne sont que des personnes
9.909 qui exécutent en silence
ce que les hommes ont déjà décidé.
9.909 Parce qu&;à la mort de Đinh-Tiên-Hoàng,
l&;héritier était encore jeune.
9.909 c&;est Lê-Hoàn, en sa qualité de mandarin militaire,
qui a eu le pouvoir entre ses mains.
9.909 Dương-Vân-Nga, qu&;elle le veuille
ou non, était donc
9.909 une personne sans aucun pouvoir
qui met en œuvre silencieusement
9.909 ce que les hommes imposaient.
9.909 Telle est l&;opinion de l&;historien Trần-Trọng-Dương.
9.909 Mais Tạ-Chí-Đại-Trường [historien]
et de nombreux autres auteurs
9.909 ont défendu l&;idée que
9.909 Dương-Vân-Nga joua le rôle
d&;une femme puissante,
9.909 issue d&;une famille détenant
autrefois un pouvoir très important,
9.909 avant l’unification du pays par Đinh-Tiên-Hoàng.
9.909 Il n&;est donc pas surprenant que
pour conserver cette alliance,
9.909 Lê-Hoàn épousa la reine
de la dynastie précédente [Dương-Vân-Nga].
9.909 Il a même repris le titre « Đại-Thắng-Minh »
de l&;ancien roi Đinh-Tiên-Hoàng pour le donner à sa femme.
9.909 Pendant des siècles,
9.909 les gens ont adoré ces trois statues,
9.909 Dương-Vân-Nga au milieu
et ses deux maris,
9.909 de façon normale et respectueuse
9.909 Durant la dynastie des Lê postérieure,
c&;est-à-dire la période du monopole du confucianisme,
9.909 un mandarin a estimé que ce culte était malsain,
9.909 et sépara les trois statues
installées en deux temples.
9.909 Mais même après la séparation des temples,
9.909 Dương-Vân-Nga a toujours suivi
son second mari, Lê-Hoàn.
9.909 Or, conformément à l&;ordre confucéen,
9.909 « le sujet fidèle ne sert pas plus d&;un souverain, »
9.909 « la femme vertueuse ne prend qu&;un époux. »
9.909 Sa statue aurait donc dû être placée
avec celle de son premier mari et non avec celle du second.
9.909 Cela montre que dans ce que
nous comprenons des traditions,
9.909 il y a encore beaucoup
de questions à soulever.
9.909 Voici quelques femmes intellectuelles.
9.909 Je les qualifie de femmes intellectuelles
9.909 car elles n&;ont pas seulement écrit
de la littérature ou de la poésie,
9.909 mais ont exercé une grande influence
9.909 sur le monde littéraire et académique
de leur époque respective.
9.909 Et j&;ai placé ici cette frise chronologique
9.909 pour que nous puissions voir que
chaque siècle a de telles personnes.
9.909 Ce sont des personnes
dont nous connaissons le nom
9.909 mais d&;autres sont certainement restées anonymes.
9.909 Je vais présenter le parcours
de deux personnes moins connues.
9.909 [Premièrement], Trịnh-Thị-Ngọc-Trúc,
9.909 Fille de Trịnh-Tráng et de sa conjointe
Nguyễn-Phúc-Ngọc-Tú.
9.909 Nguyễn-Phúc-Ngọc-Tú est la fille de Nguyễn-Hoàng.
9.909 Elle est mariée à Trịnh-Tráng, son neveu .
9.909 En général, dans les familles Trần, Lê postérieur,
Trịnh [seigneurs qui ont régnés] et Nguyễn,
9.909 le mariage entre famille en dépit de la hiérarchie
9.909 était très répandu et considéré comme normal.
9.909 [L’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường précise
9.909 qu’il s’agissait de mariage
à des fins d’alliance politiques,
9.909 comme partout dans le monde.
9.909 Mais ce type de mariage se produisait
avec une forte intensité au Vietnam,
9.909 au sein non seulement des familles royales
9.909 mais aussi celles des mandarins, des nobles,
9.909 Il fallait alors
une certaine racine plus profonde. [cf. infra]
9.909 [A l’ère du monopole du confucianisme],
cela montre la dégradation du rôle politique des femmes,
9.909 qui n&;étaient plus qu&;un outil politique.
9.909 Trịnh Thị Ngọc Trúc était une savante de l&;époque.
9.909 Elle est la seule Vietnamienne,
jusqu&;à aujourd&;hui,
9.909 qui a rédigé une encyclopédie-dictionnaire Han-Nom.
9.909 Une parenthèse pour les plus jeunes d’entre vous :
9.909 Les caractères Hán (sinogrammes)
sont évidemment l&;écriture des Chinois.
9.909 Et le Nôm,
9.909 c&;est l&;écriture composée
des unités logographiques des sinogrammes
9.909 servant à noter / transcrire
la langue parlée des Viêts.
9.909 Il fallait donc traduire
les sinogrammes en Nôm
9.909 pour que les Viêts qui ne lisaient pas
les caractères puissent comprendre.
9.909 Trịnh-Thị-Ngọc-Trúc a créé un dictionnaire
9.909 qui non seulement traduit
mais explique des mots.
9.909 Cette œuvre monumentale a été
la première encyclopédie vietnamienne.
9.909 Et encore une fois,
9.909 l&;auteur de la première encyclopédie de
l&;histoire vietnamienne était une femme,
9.909 et non pas Lê-Quý-Đôn [un homme]
comme beaucoup le pensent,
9.909 Même s&;il est vrai que Lê-Quý-Đôn
a aussi rédigé une encyclopédie
9.909 près de deux siècles plus tard.
9.909 Ngọc-Trúc est donc la première et unique auteure
d’un dictionnaire-encyclopédique vietnamien.
9.909 Sa statue a été érigée avec cinq autres reines
[les 5 épouses de Lê-Thần-Tông].
9.909 Si la cour de Lê-Thần-Tông n&;a pas reconnu
Ngọc-Trúc comme une reine,
9.909 le roi l&;estimait beaucoup.
9.909 Son successeur [le roi Lê-Huyền-Tông]
a fait construire un temple
9.909 pour adorer sa statue
avec celles des cinq d&;autres reines.
9.909 [La seconde femme intellectuelle]
Nguyễn-Thị-Duệ s&;est déguisée en homme
9.909 pour passer le concours suprême.
9.909 Elle a été reçue lauréate de premier rang,
soit un rang plus élevé que celui de son professeur.
9.909 Elle est la première
et la seule lauréate de premier rang
9.909 au concours dans l’histoire
du confucianisme vietnamien.
9.909 La chose remarquable est que
9.909 lors du banquet donné
en l&;honneur des nouveaux lauréats,
9.909 le roi Mạc [Mạc Kính Cung] l&;a interrogée
9.909 en voyant ses gestes féminins
et sa belle et mince silhouette.
9.909 Et elle a avoué être une femme.
9.909 Ce crime, pour la cour féodale,
s&;appelle le crime de lèse-majesté,
9.909 celui de mentir au roi,
et était puni par la peine de mort.
9.909 Cependant, le roi l&;a non seulement
exemptée de la peine capitale,
9.909 mais l&;a admirée et l&;a invitée
à enseigner aux femmes du palais.
9.909 Et puis, il l&;a prise comme concubine.
9.909 Lorsque l&;armée Trịnh a vaincu l&;armée Mạc,
elle a été capturée dans la forêt.
9.909 Elle tenait fièrement une épée
et dit à l&;armée Trịnh :
9.909 « Maintenant que vous m&;avez,
vous devez me ramener à votre maître, »
9.909 « si vous me touchez,
je me tuerai sur le champ. »
9.909 Les soldats ont donc dû la ramener
auprès de leur général.
9.909 Puis elle est devenue l&;épouse
du seigneur Trịnh Tráng.
9.909 Elle était très respectée
grâce à son niveau d&;éducation.
9.909 On l&;a appelée « lễ sư » (maître)
et même « đại lễ sư » (grand maître),
9.909 c&;est-à-dire un maître de niveau supérieur.
9.909 Elle a servi 3 seigneurs :
9.909 Un roi de la dynastie Mạc
et deux seigneurs de la famille Trịnh.
9.909 On l&;appelle « nhất kính chiếu tam vương »
(un miroir unique qui éclaire le chemin des trois rois),
9.909 c&;est-à-dire une femme qui a servi trois rois.
9.909 Elle était admirée non seulement pour sa sagesse,
9.909 mais aussi pour sa personnalité
9.909 et son éloquence verbale.
9.909 Tous les avantages et indemnités
que le roi lui versait,
9.909 car elle était mandarine à la cour,
9.909 elle les a consacrés à l&;éducation de ses élèves.
9.909 Grâce à cela, de nombreux élèves
de sa province natale ont pu aller à l&;école
9.909 et réussir au concours impérial.
9.909 Il y a cependant une injustice :
9.909 On ne l&;adore que dans sa localité,
9.909 de sorte que les étudiants de tout le pays
ne connaissent pas
9.909 cette grande personnalité intellectuelle.
9.909 Il s&;agit d&;un temple récemment
reconstruit et qui lui est dédié.
9.909 Mais je pense qu&;il est surtout utilisé
à des fins touristiques
9.909 et peu à des fins culturelles.
9.909 Envisageons maintenant
les femmes dans la littérature classique
9.909 et plus précisément, dans le long poème
« Chinh phụ ngâm khúc » (Femme de Guerrier).
9.909 A propos de ce poème,
9.909 j&;ai demandé à une jeune collègue
ce que ce poème signifiait pour elle.
9.909 Réponse : C&;était une protestation contre la guerre injuste.
9.909 C&;est ce que lui enseigne l&;école socialiste
et ce qu&;elle enseigne à ses élèves.
9.909 Elle donne des cours
dans une université de province.
9.909 Je lui ai demandé d&;essayer
de trouver ne serait-ce qu&;un seul mot
9.909 qui indiquait que
c&;était une guerre injuste.
9.909 Aucun,
9.909 car c&;était une guerre complètement juste,
9.909 il n’y avait aucune idée d’injustice.
9.909 Le mandarin a simplement répondu
à l&;ordre du roi de lutter contre les ennemis.
9.909 Rien ne mentionne la moindre idée
d’une guerre injuste.
9.909 C&;était au contraire une guerre juste
9.909 et le mari serait récompensé
par le roi s&;il la gagnait.
9.909 Ce que je veux souligner
au travers de cet exemple est que
9.909 l&;on dit souvent que le poème « Femme de Guerrier »
est le chant d&;une femme
9.909 dont le mari est parti faire la guerre.
9.909 Mais que pense cette femme
dont le mari est parti à la guerre ?
9.909 Que dit-elle dans ces plus de 400 vers ?
9.909 Un message unique :
9.909 Tu me manques tellement !
9.909 Elle se languit de lui, des plaisirs spirituels :
9.909 Maintenant que tu es parti,
9.909 pour qui vais-je chanter et jouer de la harpe ?
9.909 Et de plaisirs charnels.
9.909 C&;est très clair.
9.909 C&;est la raison pour laquelle le mot « corps »
est répété de nombreuse fois dans ces citations à venir.
9.909 « En vous accompagnant j&;avais le cœur bien triste. »
(Traduction en français de Tuần Lý Huỳnh Khắc Dụng, 1955)
9.909 « Que ne suis-je, sur terre, votre beau coursier,
Et sur eau que ne suis-je la nef qui vous porte ! »
9.909 Ça veut dire que j’aimerais être
le cheval auquel vous montez.
9.909 Si vous partez par la route terrestre,
je ne suis pas aussi chanceuse que le cheval que vous enfourchez,
9.909 et vous partez par voies navigables,
je n&;ai pas la chance du bateau sur lequel vous naviguez.
9.909 À quoi pensez-vous que ces vers ressemblent ?
Aux chansons populaires.
9.909 Les chansons populaires ont beaucoup
de vers d&;un contenu similaire.
9.909 J&;aimerais vous soyez ceci ou cela,
j&;aimerais être ceci ou cela
9.909 pour qu&;il y ait toujours
un contact physique entre nous.
9.909 Ils abondent dans les chansons populaires.
9.909 « Ponctuant nos serments, nous nous serrions la main, »
9.909 Cela signifie qu&;ils se tiennent la main,
se quittent puis se la reprennent sans cesse.
9.909 « J&;espérais l&;union du poisson et des eaux, »
9.909 Lorsque l&;on parle de poisson et d&;eaux,
nous parlons de faire l&;amour, n&;est-ce pas ?
9.909 Notamment cette partie :
9.909 « Les fleurs baignées de lune, la lune s&;y reflète. »
9.909 « La lune y pénétrant avive chaque fleur. »
9.909 On a l&;impression que
c&;est une description de paysage, mais non.
9.909 La femme s&;assoit et admire la lune
9.909 qui rqui se reflète sur les fleurs
et qui ouvrent leur cœur à la lune.
9.909 « La lune y pénétrant avive chaque fleur. »
9.909 Tous les Vietnamiens comprennent bien
ce que sont la fleur et la lune, c&;est-à-dire l&;acte sexuel.
9.909 Son mari lui manque à un tel point.
9.909 « Lune et fleurs, fleurs et lune, elles sont incalculables. »
9.909 « Devant leur harmonie, que mon cœur est en peine ! »
9.909 Les nuits où j&;ai fait l&;amour avec vous me manque !
9.909 Des mots si élégants et si beaux,
mais le sens est bien celui-là.
9.909 Les 400 vers répètent inlassablement
la même idée.
9.909 Et que fait cette femme
quand elle est triste ?
9.909 Elle appelle à sa
« rescousse et la fleur et le vin »
9.909 Et non pas les travaux d&;aiguille !
9.909 Car elle n&;a « Nulle envie
de tenir l&;aiguille ou la navette ! »
9.909 Elle n&;est pas du tout une femme
qui réunit les quatre vertus féminines.
9.909 Elle n&;a qu&;à noyer son chagrin dans l&;alcool.
9.909 Mais le chagrin est si profond que
« le vin s&;affadit » et « la fleur s&;étiole ».
9.909 Un chagrin insupportable
se perpétue dans le poème.
9.909 « A cause de vous, j&;ai abondamment pleuré, »
9.909 « Et à cause de vous, ma vie est solitaire. »
9.909 « Puisque je ne saurais être sous votre tente, »
9.909 Ça veut dire que
mon corps ne peut pas être à côté du vôtre.
9.909 « Vos mouchoirs ne seront humectés de mes larmes »
9.909 Elle pleure ici mais ces larmes
ne pénètrent pas dans le mouchoir que son mari tient.
9.909 Donc, elle lui montrera les mouchoirs trempés
de ses larmes, ce dont je parlerai plus tard.
9.909 « Quel hasard nous a réunis de la sorte ? »
9.909 Cela signifie que les rencontres avec le mari
ne se passent que dans les rêves.
9.909 « Ce ne fut qu&;une heure de beau songe d&;amour ! »
9.909 Il faut savoir que dans la littérature classique,
9.909 qui dit « xuân », dit amour / désir
et non pas printemps.
9.909 « Honnie soit ma chance, qui ne vaut pas un songe ! »
9.909 Ça veut dire que mon corps dans la vie réelle
n&;est pas égal à celui dans mes rêves
9.909 qui peut s&;allonger à vos côtés.
9.909 C&;est tellement clair.
9.909 « Bien qu&;on craigne souvent la fin d&;une illusion, »
9.909 « Car, en somme, que vaut un grand amour en songe ? »
9.909 S&;aimer mais seulement dans les rêves,
même s&;il y en a des milliers de fois, n&;est rien.
9.909 « Seul mon cœur est constant et ma pensée fidèle. »
9.909 « Il n&;est pas de moment où je ne pense à vous »
9.909 Une deuxième idée qui est également associée :
9.909 Chaque année, je vieillis et je perd ma beauté.
9.909 Comment puis-je garder cette beauté
pour vous jusqu&;à votre retour ?
9.909 « Le vent du printemps porte de rares nouvelles. »
9.909 « Quel dommage de manquer tant de bons moments ! »
9.909 « Je pense à ces fleurs de pêcher et de prunus »
9.909 Le pêcher et le prunus sont en vietnamien
une métaphore du couple.
9.909 Ils ont l&;un et l&;autre,
pourquoi nous ne sommes pas réunis ?
9.909 « Chaque année qui passe m&;enlève un peu de charme »
9.909 Je deviens de moins en moins charmante
d&;année en année.
9.909 Encore une fois, « dung » n’insiste pas
sur la beauté des femmes
9.909 mais sur « un visage de jade sérieux,
qui ne se veut point séduisant ni séducteur. »
9.909 Mais ici, la femme ne suit pas le concept « dung ».
9.909 « Pensant à ma beauté à peine épanouie »
9.909 Je suis encore belle comme ça.
9.909 « Je regrette les jours qui passent un à un »
9.909 Malheureusement, elle vieillira au fil du temps.
9.909 Et ce très beau vers :
9.909 « Me torturent l&;esprit de diverses façons. »
9.909 « Comment, — frêle saule et souple jonc, — pourrais-je
Demander que le temps épargne ma jeunesse ? »
9.909 Moi, une fille « frêle saule et souple jonc »,
autant svelte et belle.
9.909 comment pourrais-je conserver éternellement
cette jeunesse pour vous ?
9.909 Ce sont les seuls vers
qui portent sur le devoir de la femme
9.909 de s&;occuper de la famille en absence du mari.
9.909 Rappelez-vous comment le poème
« Femme de Guerrier » vous est enseigné à l&;école !
9.909 Le mari est parti
sur le champ de bataille, loin de chez lui.
9.909 La femme est restée à la maison
et s&;est occupée de tout
9.909 pour rassurer son mari.
9.909 Mais en réalité, il n&;y a que ces vers.
9.909 « Vous avez une mère à la tête chenue
Et un poupon au sein, qui exige des soins. »
9.909 Mère vous attend sans cesse à la porte.
9.909 Et notre enfant attend d&;être nourri.
9.909 « Je la sers, notre mère, à l&;instar d&;un bon fils, »
9.909 Ça veut dire que je m&;occupe du pain de famille
9.909 comme un fils pieux envers notre mère,
et non pas comme une belle-fille.
9.909 « Et j&;enseigne l&;enfant, lui tenant lieu de père. »
9.909 Je suis à la fois la mère
et le père de notre enfant,
9.909 de façon simple,
comme si cela était naturel.
9.909 De quoi se plaint-elle de plus ?
9.909 « Je suis seule à choyer la vieillesse de mère,
Je suis seule à donner l&;instruction au petit. »
9.909 « Mon chagrin intime me pèse sur le cœur. »
9.909 Vous me manquez bien, mon chéri ! »,
c&;est omniprésent dans le poème.
9.909 Le devoir de s&;occuper de tout,
9.909 comme la femme
dans la chanson populaire susmentionnée.
9.909 Les parties suivantes sont dédiées à réprimander le roi.
9.909 Le roi qui reste
dans son palais doré confortable,
9.909 près de ses femmes,
9.909 connait-il le destin d&;un soldat
sur le champ de bataille ?
9.909 C&;est tout.
9.909 Ce n&;est rien de féodal,
9.909 juste très humain.
9.909 C&;est comme ça que sont les Vietnamiens.
9.909 Partie suivante :
elle imagine des retrouvailles.
9.909 « Je rangerai pour vous la robe et la cuirasse,
J&;enlèverai pour vous les couches de verglas, »
9.909 « Pour vous je verserai du vin dans un bol d&;or, »
9.909 Je vous inviterai à boire un verre.
9.909 « Pour vous je mettrai fard et parfum enivrants. »
9.909 Je vais maintenant me maquiller pour que vous m&;admiriez.
9.909 « Pour vous je mettrai fard et parfum enivrants. »
9.909 « J&;étalerai un à un mes mouchoirs de larmes, »
9.909 Je vous montre que vous comptez pour moi
en voyant chacun de mes mouchoirs
9.909 qui trempait mes larmes lorsque j&;étais loin de vous.
9.909 « J&;étalerai un à un mes mouchoirs de larmes, »
9.909 « Vous lirez vers par vers mes odes de souffrance. »
9.909 Ce sont des poèmes tristes que j&;ai écrits
quand vous m&;avez manqué,
9.909 veuillez évaluer chaque vers
9.909 pour voir lequel est bon
et lequel est mauvais.
9.909 Leur relation conjugale
est une relation égalitaire,
9.909 d&;amis de cœur, d&;âmes sœurs.
9.909 Ce n&;est pas du tout celle
d&;un mari souverain et une femme assujettie.
9.909 Et ce bonheur doit s&;apprécier petit à petit.
9.909 « Nos coupes s&;empliront au fur et à mesure,
Nos voix fredonneront strophes après strophes… »
9.909 C&;est une image sur le bonheur.
9.909 Passons maintenant à l&;Histoire de Kiều.
9.909 Dans l&;Histoire de Kiều on dit souvent :
9.909 « Ce qu&;on désigne par le mot talent et ce, qu&;on désigne par le mot destinée,
combien ces deux choses se montrent habiles à se haïr, à s&;exclure » ;
(Traduction en français de Nguyễn-Văn-Vĩnh, 1942)
9.909 Nguyễn-Du est quelqu&;un de très confucéen
9.909 qui croit au mandat du Ciel,
au principe de compensation .
9.909 Il le souligne dans les premiers vers
[de l’Histoire de Kiều],
9.909 Mais il écrit aussi dans ces premiers vers :
9.909 « Ayant traversé une période que les poètes appellent le temps
mis par les mers à se transformer en champs de mûriers
et, réciproquement, les champs de mûriers en mers. »
9.909 « Les choses que j&;ai vues
m&;ont fait souffrir (ont endolori mon cœur). »
9.909 Ce que je vais vous raconter est une histoire vraie,
9.909 car le Ciel ne fait pas souffrir des personnes talentueuses.
9.909 Selon le confucianisme,
« une femme sans talent est vertueuse. ».
9.909 Mais Thúy-Kiều est-elle vertueuse ?
9.909 Au premier coup d&;œil, tout ce que nous voyons
c&;est sa beauté et son talent.
9.909 La plus talentueuse du monde.
9.909 Et le confucianisme n&;aime pas
les femmes talentueuses.
9.909 Toutes les descriptions de Thúy-Kiều
soulignent son talent.
9.909 Thúy-Kiều, gagnera ensuite le cœur
de nombreuses personnes,
9.909 de son amoureux au grand mandarin.
9.909 par son seul talent,
9.909 et non par aucune vertu.
9.909 Quand Kiều a été traduite en justice
9.909 parce qu&;elle, une prostituée, a osé épouser
un fils d&;une famille instruite [Thúc-Sinh],
9.909 le mandarin de la province a fait porter à Kiều
une cangue et l&;a torturée.
9.909 Cependant, en entendant la prière de Thúc-Sinh,
affirmant que Kiều est de bonne famille et est instruite,
9.909 le mandarin lui a demandé de composer
un poème sur la cangue qu&;elle portait.
9.909 Le mandarin, après avoir entendu le poème,
l&;a tellement admiré qu&;il a pardonné tous ses crimes.
9.909 Au départ, il avait dit que
dans la mesure où Thúy-Kiều était une prostituée,
9.909 elle ne pouvait épouser le fils
d&;une famille de haut rang,
9.909 Aussi, soit elle retourné
travailler dans la maison close,
9.909 soit elle serait soumise à la torture.
9.909 Thúy-Kiều avait alors déclaré
qu&;elle préférait endurer la torture
9.909 plutôt que de retourner dans la maison close.
9.909 Il l&;a donc torturée.
9.909 Alors qu&;il l&;avait initialement traitée
comme une grave criminelle,
9.909 Thúy-Kiều a su lui fait changer d&;avis
grâce à la composition d&;un beau poème,
9.909 et non à l&;aide d&;une quelconque vertu.
9.909 Comment aurait-il pu juger de ses vertus ?
9.909 Il a permis à son talent de se manifester
en lui demander d&;écrire un poème.
9.909 Il dit au père de Thúc-Sinh :
9.909 Une belle-fille comme elle serait si digne,
qu&;y aurait-il de mal à l&;épouser ?
9.909 Les lamentations sont aussi
une forme de résistance.
9.909 L&;Histoire de Kiều est
une longue lamentation d&;un cœur brisé .
9.909 Mais ici se lamenter ne signifie pas
se soumettre, mais plutôt résister.
9.909 La soumission ?
9.909 Elle se manifeste généralement
par le silence.
9.909 Au contraire [dans le Truyen Kiều]
on résiste, on se lamente, on implore le ciel.
9.909 Par exemple, Thúy-Kiều dit :
« Maudite soit cette destinée influencée par l&;étoile Đào-Hoa ! »
9.909 Où sont les quatre vertus féminines
d&;une belle jeune-fille
9.909 qui profère de telles paroles ?
9.909 Cette jeune-fille a traversé tant d&;infortunes
qu&;elle maudit son destin.
9.909 Elle ne peut s&;empêcher de jurer.
9.909 Les pleurs et les cris amers
constituent donc une forme de résistance.
9.909 Passons au thème
« Trời của bình dân » (Le Ciel des petites gens)
9.909 Pour Nguyễn-Gia-Thiều (poète – 1741-1798),
un authentique confucianiste,
9.909 le Ciel est quelques choses de très abstrait.
9.909 Les règles invisibles de la nature
ne peuvent être contrôlées.
9.909 « Le Ciel est hors de portée humaine
Comme une silhouette d&;une personne dans la nuit, vague et indistincte ».
(Traduction en français de Vũ Lê Minh Anh et Olivier Tessier)
9.909 On ne sait rien du tout sur le Ciel, on l&;accepte.
9.909 Mais l&;Histoire de Kiều,
en empruntant les mots d&;une religieuse, dit :
9.909 « Le bonheur, le malheur, tout cela est dans la Loi de Dieu »
9.909 Le bonheur et l&;infortune
dépendent des cieux.
9.909 « Mais l&;origine en est dans le cœur humain. »
9.909 « Dieu est là, mais tout dépend aussi de nous-mêmes. »
9.909 L&;être humain (homme et femme)
est maître de son destin.
9.909 En résumé, l&;Histoire de Kiều
comporte beaucoup de citations
9.909 que tous les Vietnamiens connaissent.
9.909 Or, je voudrais vous montrer
un autre angle de vue :
9.909 Il y a cette phrase dans le Confucianisme :
« Chấp kinh tùng quyền ».
9.909 « Chấp kinh » signifie qu&;il faut respecter
le code de conduite confucéenne.
9.909 Nous sommes toutefois en droit de « tùng quyền » :
nous adapter aux situations anormales,
9.909 tout en respectant la morale confucéenne.
9.909 La pièce « Kim Thạch kỳ duyên »
(L&;Union merveilleuse de Kim et Thạch)
9.909 inspirée d&;une histoire vraie
racontée par un lettré [Bùi-Hữu-Nghĩa] :
9.909 Rencontré de façon fortuite,
une femme enceinte est forcée
9.909 d&;épouser le chef d&;un groupe de bandits.
9.909 Si elle suivait scrupuleusement
les principes du Confucianisme
9.909 il lui faudrait se suicider,
pour protéger sa réputation.
9.909 Mais dans ce cas-là, l&;enfant conçu
avec son mari serait mort.
9.909 Il lui faudrait agir
selon la nécessité du moment
9.909 et faire exception :
accepter d&;épouser le chef des bandits,
9.909 pour donner naissance à son enfant,
9.909 confier son éducation
à quelqu’un d’autre et se suicider.
9.909 C&;est ainsi que l&;on agit selon la nécessité du moment
tout en respectant les principes confucéens.
9.909 Comment Thúy-Kiều s&;est-elle adaptée
aux circonstances exceptionnelles auxquelles elle est confrontée ?
9.909 De différentes de façons.
9.909 Lorsque Tú-Bà l&;a forcée à se prostituer,
Kiều a refusé et a tenté de se suicider.
9.909 Mais elle a été sauvée.
9.909 La seconde fois, on a cherché à la piéger
9.909 pour qu&;elle soit prise en flagrant délit
en s&;enfuyant avec Sở-Khanh.
9.909 Elle a été horriblement suppliciée
et a dû se prostituer.
9.909 « Notre chair et notre peau, à nous humains,
sont sensibles à la douleur. »
9.909 « Quel cœur de pierre pourrait ne pas souffrir
à la vue de tant de brutalités sur cette créature splendide ! »
9.909 Elle est battue, à tel point que
Nguyễn-Du intervient et pleure pour elle.
9.909 C&;est pourquoi Thúy-Kiều :
9.909 [La pauvre fille] « épuisa son vocabulaire d&;aveux,
de soumission, de prières et de demandes de grâce. »
9.909 « Elle se lamentait : « Je suis une pauvre femme, »
9.909 « Séparée de sa famille,
et qui a traversé monts et vaux pour venir jusqu&;ici. »
9.909 C&;est la lamentation.
9.909 « Ma vie est entre vos mains. »
9.909 Kiều était assez intelligente
pour faire remarquer à Tú-Bà que
9.909 si vous me battiez à mort,
9.909 vous perdriez
les 300 taëls d&;or investis pour m&;acheter.
9.909 « L&;anguille qui rampe dans la boue,
n&;a plus peur de souiller sa tête. »
9.909 Ainsi s&;adaptent les petits gens confrontés
à des situations exceptionnelles.
9.909 Acculée, elle a dû se prostituer
9.909 ne pouvant pas se mordre la langue
pour se suicider.
9.909 « Mes menus scrupules de pudeur et d&;honnêteté,
je m&;engage à ne plus les avoir. »
9.909 Tous les lecteurs comprennent bien que
ce sont parmi les plus beaux vers de l&;Histoire de Kiều.
9.909 C&;est comme une gifle à la morale confucéenne.
9.909 S&;il faut abandonner ses
« menus scrupules de pudeur et d&;honnêteté »,
9.909 à quoi sert alors le confucianisme ?
9.909 Cette philosophie de vie était donc
non seulement non-confucianiste,
9.909 mais même anti-confucianiste.
Très opposée au confucianisme.
9.909 Et dans la réunion de Kim-Trọng et Thúy-Kiều,
9.909 Thúy-Kiều a de nombreuses fois,
refusé de s&;unir avec Kim-Trọng
9.909 mais cela en vain parce que
son père et Kim-Trọng l&;ont finalement forcée.
9.909 « Voici son époux, voici sa mère, voici son père, »
9.909 « Voici son propre frère et voici sa belle-sœur. »
9.909 Face aux sollicitations de sa famille,
elle n&;a pu faire autrement.
9.909 Elle a bien accepté la cérémonie de mariage,
9.909 mais, durant la nuit de noces,
Thúy-Kiều a expliqué à Kim-Trọng
9.909 que je ne pouvait pas
[consommer le mariage].
9.909 [Kiều] « Si vous m&;aimez, ne me forcez pas comme ça. »
9.909 Kiều répète encore et encore :
9.909 « mon corps est misérable et meurtri, »
9.909 « alors maintenant aimez-moi,
ne me forcez pas comme ça. »
9.909 Kim-Trọng s&;est immédiatement
montré compréhensif avec elle.
9.909 Et quand Thúy-Kiều a dit :
9.909 « Oserais-je, moi, cette boue du ruisseau,
accepté de devenir une épouse ? »
9.909 Kiều se considère comme un corps souillé,
9.909 qui n&;ose pas prendre part
à la relation conjugale pure de Kim-Trọng.
9.909 Kim-Trọng a alors interprété
le Confucianisme comme ceci :
9.909 Il faut ici comprendre que
Kim-Trọng est un lettré,
9.909 un lettré qui a réussi sa carrière
et à ce moment mandarin de la cour.
9.909 interprète le Confucianisme comme ceci :
9.909 « De tout temps, dans les devoirs de la femme »
9.909 « Il y a plusieurs façons d&;observer la fidélité en amour »
9.909 Comment peut-il y avoir plusieurs façons
d&;observer « la fidélité en amour » ?
9.909 « Il y a les règles courantes
et il y a des règles d&;exception »
9.909 « Dans certaines circonstances, l&;on ne peut s&;en tenir
rigoureusement aux principes classiques »
9.909 C&;est la façon de Kim-Trọng, la façon vietnamienne
de s&;adapter aux circonstances inhabituelles.
9.909 Et il prétend encore :
9.909 « Vous avez accompli votre devoir de piété filiale
à la place de votre devoir de fidélité en amour »
9.909 « La pureté de votre corps reste donc intacte »
9.909 Pendant quinze ans, loin de sa terre natale,
Kiều a été avec de nombreux hommes.
9.909 Elle s&;est marié deux fois par amour
avant d&;être unie à Kim-Trọng.
9.909 Or,
9.909 « Vous avez accompli votre devoir de piété filiale
à la place de votre devoir de fidélité en amour. »
9.909 « La pureté de votre corps reste donc intacte. »
9.909 Aux yeux de Kim-Trọng,
Kiều est complètement pure et n&;a aucune tache.
9.909 Seuls des hommes vietnamiens
comme Kim-Trọng parlent ainsi,
9.909 aucun confucéen ne le ferait.
9.909 Entre les règles confucianistes
et la mentalité populaire vietnamienne
9.909 il y a donc un grand décalage.
9.909 Le Confucianisme parle
de « trinh » (chasteté, fidélité en amour), de « hạnh » (vertu)
9.909 mais les populations parlent
de « nết » (bonne conduite), de « tâm » (cœur pur).
9.909 « Đẹp người đẹp nết »
(une belle personne et une bonne conduite) :
9.909 « nết » désigne le comportement
9.909 qui convient et plaît au monde.
9.909 Je rappelle brièvement que
dans le Lục-Vân-Tiên,
9.909 Nguyễn-Đình-Chiểu
a déclamé au début de son œuvre :
9.909 « Les principales vertus, chez l’homme,
doivent être la fidélité, la piété filiale ; »
(Traduction en français d’Abel des Michels, 1882)
9.909 « La chasteté et la modestie
sont la vraie parure de la femme. »
9.909 Beaucoup d&;étudiants ne connaissent que
ces deux vers de Lục-Vân-Tiên.
9.909 Ils ne comprennent pas
« la chasteté et la modestie » de Kiều-Nguyệt-Nga.
9.909 La jeune Kiều-Nguyệt-Nga
en route vers le bureau de son père,
9.909 est attaquée par des bandits
et risque d&;être violée.
9.909 Sauvée par Lục-Vân-Tiên,
elle lui est reconnaissante
9.909 et l&;invite chez elle pour que ses parents
puissent manifester leur reconnaissance.
9.909 Lục-Vân-Tiên rit aux éclats
et semble dire : ce n&;est rien,
9.909 c&;est un comportement normal
pour un gentilhomme.
9.909 Alors, Kiều-Nguyệt-Nga
retire son épingle à cheveux et lui donne.
9.909 Que signifie-il le fait
d&;offrir son épingle à cheveux ?
9.909 C&;est une déclaration,
9.909 un geste d&;amour
très clair de cette jeune-femme.
9.909 Mais Lục-Vân-Tiên dit
9.909 « Restez tranquillement assise où vous êtes ;
gardez-vous bien de sortir ! »
9.909 « Car vous êtes une femme,
et moi je suis un homme »
9.909 « Nguyệt Nga lui jette un regard furtif,
et sa pudique réserve augmente »
9.909 « Je vous ai présenté une épingle,
et vos yeux s&;en sont détournés, »
9.909 « Permettez donc à votre humble servante
de vous offrir une poésie d&;adieu. »
9.909 Cela signifie que « je ne peux pas vous avouer mon amour
avec mon épingle cheveux, »
9.909 « alors je vous le dis avec un poème,
allez-vous le recevoir ? »
9.909 Un poème, Lục-Vân-Tiên
le lettré ne peut le refuser.
9.909 A partir de cette simple action
de Lục-Vân-Tiên [l’écoute du poème],
9.909 Kiều Nguyệt-Nga, une fois chez elle,
sculpte une statue à l&;effigie de Lục-Vân-Tiên
9.909 dont elle réalise également un peintre,
9.909 et elle les admire jour et nuit.
9.909 Qu&;ont fait les parents de Kiều Nguyệt-Nga
en apprenant cela ?
9.909 Kiều Nguyệt-Nga
vient juste d&;atteindre l&;âge du mariage,
9.909 environ 13-14 ans,
9.909 et Lục Vân Tiên a à peine 16 ans.
9.909 Qu&;ont fait les parents de Kiều Nguyệt-Nga
en apprenant cela ?
9.909 Ils ont approuvé les sentiments de leur fille,
car c&;est un amour sincère.
9.909 Elle est tellement languie d&;amour
9.909 à contempler la statue et la peinture jour et nuit,
qu&;ils ont accepté [cet amour].
9.909 Ils encouragent l&;amour de leur fille au point que
9.909 lorsque le roi tentait
d&;offrir Nguyệt-Nga aux ennemis,
9.909 son père a osé aller contre la volonté du roi
et a cherché une servante pour sa place.
9.909 Encore une fois, cela constitue
un crime de lèse-majesté
9.909 qui peut entrainer l&;exécution
de trois générations au sein de la famille.
9.909 Il l&;a fait pour protéger l&;amour de sa fille.
9.909 C&;est l&;amour qu&;il protège,
9.909 et non pas les principes de fidélité
et de chasteté du confucianisme.
9.909 Pour le confucianisme, la fidélité signifie
être absolument fidèle [à son amour],
9.909 ne pas changer d&;avis.
9.909 En effet,
si les femmes vietnamiennes sont très fidèles,
9.909 les personnages féminins
dans les œuvres vietnamiennes restent fidèles
9.909 à leur véritable amour,
9.909 et non au mariage arrangé par les parents.
9.909 Quelles sont les différences entre l&;Histoire de Kiều
écrite Nguyễn Du et l&;œuvre originale chinoise ?
9.909 Beaucoup de gens en ont parlé.
9.909 Il n&;y en a que deux différences,
mais elles sont très importantes.
9.909 Nguyễn Du respecte l&;intrigue [originale],
9.909 il ne change que le style littéraire
et deux points dans la totalité du récit :
9.909 Premièrement, lorsque Thúy-Kiều
s&;est vendue pour sauver son père.
9.909 ce dernier, quand il a appris le destin de sa fille,
9.909 a tenté de se suicider en se frappant la tête.
9.909 Ce suicide du père existe aussi dans l&;original.
9.909 Dans les versions de Nguyễn-Du
et de Qingxin Cairen,
9.909 Thúy-Kiều dissuade son père de se suicider.
9.909 Mais dans la version originale de Qingxin Cairen,
Thúy-Kiều dit en résumé à son père :
9.909 je suis une fille,
9.909 les filles, de toute façon,
quittent leurs familles pour suivre leur mari ;
9.909 pensez que je me marie et quitte la famille tôt,
ne pleurez pas et ne soyez pas triste.
9.909 Mais dans la version de Nguyễn Du,
Thúy-Kiều ne dit pas ça du tout.
9.909 « Mieux vaut donc me sacrifier, moi seule, »
9.909 « Peu importe qu&;une fleur tombe,
si l&;arbre reste vert de ses feuilles.
9.909 Autrement dit, si je me sacrifie seule,
toute notre famille sera préservée.
9.909 C&;est la responsabilité
et la capacité de la fille aînée.
9.909 « Les vastes rizières et les bufflonnes ayant des bufflons
n&;égalent pas la fille aînée. » [Proverbe]
9.909 C&;est la responsabilité de l&;aînée,
9.909 et Thúy-Kiều a pu effectivement
préserver sa famille.
9.909 Vương-Quang, son jeune frère,
va pouvoir poursuivre ses études,
9.909 se présenter aux examens,
réussir les examens, etc.
9.909 C&;est le raisonnement de Thúy-Kiều
dans la version de Nguyễn-Du :
9.909 « Ce sera comme si vous m&;aviez perdue dès mon enfance
(comme un fruit non réussi dès le bourgeon) »
9.909 Ainsi, dans la version de Nguyễn-Du,
les filles et les fils sont toujours sur un pied d&;égalité
9.909 C&;est la première différence.
9.909 Le deuxième est l&;acquittement de Hoạn-Thư.
9.909 Dans l’original, Thúy-Kiều, se venge de Hoạn Thư
9.909 en la faisant battre
jusqu&;à ce que ses os soient brisés.
9.909 À tel point que la mère de Hoạn Thư
en voyant sa fille souffrir,
9.909 tombe malade et meurt,
9.909 ce sont donc
deux personnes qui meurent.
9.909 Alors (que dans le Kiều de Nguyễn Du),
Hoạn-Thư dit :
9.909 « Je porte dans moi, dit-elle, un petit cœur de femme. »
9.909 « La jalousie est un sentiment commun. »
9.909 Autrement dit,
9.909 Hoạn Thư reconnaît la beauté
et le talent de Kiều, elle la respecte.
9.909 « Mais quand on se partage le même homme,
il n&;est pas aisé d&;avoir de la complaisance. »
9.909 Alors, « La jalousie est un sentiment commun. »
9.909 « Considérez, en ma faveur, le temps où,
dans le temple, vous recopiez les sûtras, »
9.909 je vous ai laissé une chance de vivre.
9.909 « Et le jour où vous quittiez ma maison.
De propos délibéré, je vous ai laissée partir
sans essayer de vous faire suivre. »
9.909 Qu&;est-ce que Thúy-Kiều a fait
après avoir quitté le temple ?
9.909 Thúy-Kiều a volé la cloche d&;or
et la plaque sonore en argent chez Hoạn Thư.
9.909 Étant donné qu’elle est une femme
et qu’elle a un long voyage à faire,
9.909 elle n&;a pas d&;autre choix que de voler
pour se préserver.
9.909 Il suffit donc d&;un rappel de Hoạn-Thư :
9.909 « Et le jour où vous quittiez ma maison.
De propos délibéré, je vous ai laissée partir
sans essayer de vous faire suivre. »
9.909 [Hoạn-Thư] : je ne vous ai pas poursuivie
quand vous avez volé chez moi.
9.909 Par conséquence, Thúy-Kiều
doit immédiatement la pardonner
9.909 et abandonner tout ressentiment
envers Hoạn-Thư.
9.909 Il s&;agit d&;avoir de la tolérance,
d&;être raisonnable dans la relation avec autrui.
9.909 Il y a un vers de Kiều que j&;aime beaucoup
9.909 quand je vois des chercheurs étrangers
le citer pour partager leur admiration.
9.909 « Mais pour discuter, il faut tenir compte
des arguments d&;autrui autant que des siens propres. »
9.909 Ça veut dire que
chacun a ses propres raisons,
9.909 il est clair que dans l’Histoire de Kiều,
9.909 Hoạn-Thư a également ses propres raisons,
qu&;elle est dans son bon droit.
9.909 Et une fille qui en est consciente
est une fille dite « có nết » (avoir bonne conduite).
9.909 dans le langage populaire vietnamien
9.909 Il ne s&;agit pas ici de la triple soumission
ni des quatre vertus.
9.909 [L’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường a prouvé
à travers plusieurs de ses œuvres que
9.909 la libéralité dans l&;amour entre les hommes et les femmes
et dans leur vie sexuelle
9.909 ce sont une coutume de longue date,
9.909 préservée tout au long
de l&;histoire vietnamienne.
9.909 Il le prouve avec l&;Histoire.
9.909 Thúy-Kiều s&;est clairement frayé
« un chemin pour arriver jusqu’à l’être aimé »
9.909 et de sa propre volonté
a juré serment avec lui,
9.909 l’a cherché au milieu de la nuit.
9.909 Quand ses parents l&;ont découvert,
Thúy-Vân a dit que
9.909 si sa sœur a une telle relation,
laissez-la la remplacer pour épouser Kim-Trọng.
9.909 Les parents ont répondu :
9.909 « Quand même les stèles de pierre seraient usées,
je ne manquerais pas d&;exécuter ta pieuse volonté ».
9.909 C&;est ce que disent les parents à Thúy-Kiều
9.909 qui traverse le jardin en pleine nuit
à la recherche de son aimé.
9.909 Voilà une société vietnamienne
9.909 qui respecte le véritable amour
d&;une femme.
9.909 Quand Kim-Trọng et Thúy-Kiều se sont retrouvés ,
pourquoi Thúy-Kiều a-t-elle voulu
9.909 « Transformer notre liaison qui devait être matrimoniale
en une douce liaison d&;amitié. » ?
9.909 Je l&;explique avec
la sagesse vietnamienne,
9.909 car se référer au confucianisme
et au bouddhisme
9.909 ne fonctionne pas,
ne résoud pas le problème.
9.909 Thúy-Kiều explique la douleur
d&;un corps souffrant piteusement.
9.909 « Les amants longtemps séparés se retrouvaient. »
9.909 « La fleur de jadis, en présence de l&;abeille
qui l&;avait toujours convoitée !
Cette rencontre ne pouvait avoir lieu sans éveiller
quand même quelque idée d&;amour constant ! »
9.909 Kim-Trọng considère Thúy-Kiều
comme fidèle en amour
9.909 et elle est réellement fidèle
9.909 tant que Kim-Trọng
lui reconnaît cette dignité.
9.909 Alors quand Kim-Trọng dit
qu&;il la cherche depuis longtemps,
9.909 « C&;était bien par cet amour profond auquel j&;ai voué ma vie
et non pas par quelque caprice ou amour-propre de galant »
9.909 Ça veut dire que je vous cherche par loyauté
9.909 et non pas par convoitise sexuelle,
9.909 alors si tel est votre souhait, je l&;accepte.
9.909 Une autre raison [de transformer
l’amour en amitié] est pour
9.909 garder l&;harmonie avec Thúy Vân,
9.909 la jeune sœur de Thúy-Kiều.
9.909 Thúy-Vân dit :
9.909 « Il y a eu là un fait
de rapprochement prédestiné. »
9.909 « C&;était au surplus toujours
du même sang et de la même chair. N&;est-ce pas ? »
9.909 C&;est-à-dire, je suis, d&;une part,
la femme de mon mari,
9.909 et d&;autre part, votre jeune sœur.
9.909 Les mots de Thúy Vân montrent
qu&;elle n&;est pas une femme superficielle,
9.909 comme on le dit souvent.
9.909 Elle est au contraire très profonde,
9.909 car elles [les sœurs] partagent
la même souffrance.
9.909 Face aux mots de Thúy Vân,
Thúy-Kiều doit se comporter ainsi.
9.909 Que signifie ce que j&;appelle
la « féerie de fin de vie » ?
9.909 Cela signifie que les dernières journées
9.909 où Thúy-Kiều a vécu avec Kim-Trọng
ont été féériques.
9.909 Aussi, quand on fait de la divination
par l&;interprétation des vers du Truyên Kiêu,
9.909 le devin implore
9.909 « Ô roi Từ Hải, Ô bonzesse Giác Duyên,
Ô fée [immortelle] Thúy-Kiều ».
9.909 Les gens ordinaires comprennent sa vie de cette façon.
9.909 De nombreuses autres histoires en nôm
partagent la même intrigue :
9.909 Le personnage féminin est issu d&;une famille riche
9.909 et tombe amoureux d&;un garçon pauvre
mais qui a du talent ou qui semble en avoir.
9.909 « Ma fille a un coup de foudre à la vue du visage de ce garçon. »
(Traduction en français de Vũ Lê Minh Anh et Olivier Tessier)
9.909 ont dit les parents de Ngọc-Hoa
9.909 lorsque sa fille
est tout à coup tombée amoureuse.
9.909 Phạm-Tải mendiait
devant la maison de Ngọc-Hoa.
9.909 Elle devait passer cinq portes
pour le rencontrer.
9.909 En voyant son visage,
elle est tombée amoureuse de lui
9.909 et ses parents ont dû les marier.
9.909 Quoique riches, les parents ont dû payer au gendre
le coût du mariage de leur fille.
9.909 Apparait ici la tolérance
que cultivent les Vietnamiens,
9.909 sentiment qui est absent
dans l&;enseignement du confucianisme.
9.909 Le roi [Trang] pensait
à faire de Ngọc-Hoa sa concubine
9.909 après qu&;il ait entendu parler
de sa beauté
9.909 par un prétendant éconduit
jaloux de Phạm-Tải.
9.909 Ngọc-Hoa a alors demandé à son mari
de l&;accompagner
9.909 puisqu&;ils étaient maintenant unis.
9.909 Sur leur chemin, Ngọc-Hoa
marchait au côté de son mari.
9.909 En effet, elle avait refusé de s&;asseoir
dans le palanquin du roi.
9.909 Tous les mandarins qui les accompagnaient
ont dû les suivre.
9.909 Arrivée à la cour, Ngọc-Hoa a dit au roi
qu&;elle était mariée
9.909 et qu&;un roi comme lui
ne manquait pas de belles jeunes-filles.
9.909 Pourquoi alors forcerait-t-il une jeune-fille
mariée à l&;épouser ?
9.909 Le roi a appelé Phạm-Tải et lui a dit
qu&;il ne voulait pas l&;intimider
9.909 mais partageait avec lui de belles jeunes-filles,
9.909 de l&;argent, de l&;or et des titres
comme s&;il y avait réussi au concours.
9.909 Et en échange, il lui laissait juste sa femme.
9.909 Mais Phạm-Tải a refusé,
en expliquant que
9.909 s&;il voulait des titres, de l&;or et de l&;argent,
il devait réussir l&;examen et les obtenir lui-même.
9.909 Il a cependant dit que
si le roi tenait absolument à épouser sa femme,
9.909 il la laisserait pour le servir
et rentrerait chez lui.
9.909 Le mari ne pouvait faire autrement,
9.909 mais Ngọc-Hoa s&;y est fermement opposée.
9.909 Le roi a alors élaboré un plan
pour tuer le mari ce qui fut fait.
9.909 Ngọc-Hoa n&;a pu sauver son mari
9.909 bien qu&;elle ait eu vent du complot à l&;avance,
9.909 Quand son mari est mort,
Ngọc-Hoa s&;est défigurée
9.909 et a blâmé sa beauté
qui a causé la mort injuste de son mari.
9.909 Elle s&;est tailladé le visage
pour détruire sa beauté
9.909 mais le roi a tout de même exigé de l&;épouser.
9.909 Ngọc-Hoa a alors fait une promesse au roi
en ces termes : « Je n&;ai que 13 ans. »
9.909 « Laissez-moi porter le deuil de mon mari
pendant 3 ans, »
9.909 « et je reviendrai ensuite vous servir. »
9.909 Sur le chemin du retour, Ngọc-Hoa s&;est assise
sur le palanquin du roi pendant la journée
9.909 et a ouvert le cercueil de son mari
pour s&;allonger auprès de lui pendant la nuit.
9.909 La chose étrange était que le corps du mari
ne se décomposait pas.
9.909 « [Le corps] n&;est ni putride ni fétide ni décomposé »
9.909 « [il] reste toujours comme avant, inchangé »
9.909 Elle a tenu le corps jusqu&;à son retour chez elle.
9.909 Puis, une fois chez elle, elle a demandé
à ses parents de lui construire une maison
9.909 pour qu&;elle puisse vénérer le culte
de son mari pendant trois ans.
9.909 Si ses parents ne l&;acceptaient pas
et voulaient organiser immédiatement un enterrement,
9.909 elle se suiciderait.
9.909 Les parents ont donc accepté
de lui construire une maison funéraire.
9.909 Après trois ans de deuil,
Ngọc-Hoa a supplié ses parents
9.909 de donner tous leurs biens au village
9.909 en demandant en retour aux villageois
de prendre soin d&;eux tant qu&;ils étaient en vie
9.909 et de les vénérer après leur mort.
9.909 En effet, Ngọc-Hoa a dit qu&;elle était
une fille ingrate qui ne pourrait accomplir cette tâche
9.909 car elle allait se suicider
pour rejoindre son mari.
9.909 Dans les enfers, Ngọc-Hoa a incité son mari
à demander au roi des enfers
9.909 d&;intenter un procès contre le roi immoral
qui avait opprimé une jeune-fille mariée.
9.909 C&;est elle qui a développé l&;argumentaire,
9.909 son mari se limitant à
rédiger la plainte car il savait écrire.
9.909 Ils ont déposé cette plainte
au roi des enfers et ont gagné le procès.
9.909 Le roi des enfers a déclaré que
bien que le roi fût un parent,
9.909 la fraternité devait
se soumettre à la loi de l&;État.
9.909 En conséquence, le roi des enfers
entraîna le roi en enfer
9.909 et ramena le couple à la vie
en faisant du mari le nouveau roi.
9.909 Par sa seule volonté Ngọc-Hoa a donc rendu
à son mari tout ce qu&;il méritait.
9.909 Tous les autres contes en Nôm
ont un contenu similaire :
9.909 L&;amour vient de la propre initiative
de la femme et c&;est elle qui le défend.
9.909 Passons au chapitre sur
les femmes et le droit.
9.909 Une chanson populaire dit :
« Mes biens, je les ai gagnés par mes peines »
9.909 « Une fois mariée il ne me reste que trois sacs sur sept »
9.909 Cela signifie que lorsqu&;elle vivait avec ses parents,
9.909 elle faisait des affaires
9.909 et accumulait des biens,
9.909 ce qui rappelle le proverbe :
9.909 « les champs vastes et les bufflonnes ayant des bufflons
n&;égalent pas la fille aînée. »
9.909 La fille se tue donc au travail
pour disposer de biens
9.909 qui lui seront donnés par ses parents
au moment de son mariage et de son installation chez son mari.
9.909 « Une fois mariée il ne me reste que trois sacs sur sept »
9.909 Maintenant qu&;elle s&;installe chez son mari,
elle partage [ses biens]
9.909 et ne dispose plus que de trois sacs sur sept.
9.909 Je ne sais pas si ce sont des sacs
de riz, d&;or ou d&;autre chose,
9.909 mais sur ces sept sacs,
il ne lui en reste plus que trois.
9.909 Cette même chanson populaire poursuit :
« Autrefois, je vivais avec mes parents, »
9.909 « Ils me chérissaient comme une fleur sur une branche »
9.909 Il n&;y a pas de distinction entre garçon et fille,
la fille est également notre fille [au même rang que le garçon]
9.909 « Ils me chérissaient comme une fleur sur une branche »
9.909 « Maintenant que j&;ai emménagée avec toi »
9.909 « Tu cours après une [autre] beauté
et tu trahis mon amour »
9.909 « Avec de l&;argile trop dure
on ne saurait fabriquer de marmite »
9.909 « Va donc prendre une [autre] femme,
pour que je me [re]marie »
9.909 « Toi, tu prends ta femme
de l&;autre côté de la rivière »
9.909 « Moi, je vais prendre mon mari
juste en face de ta porte »
9.909 Ce chant n&;exprime pas de la colère mais
9.909 rappelle ce que la loi
permet aux femmes vietnamiennes.
9.909 Il s&;agit du droit pénal nationale sous la dynastie Lê.
9.909 Le Professeur Tạ-Văn-Tài, professeur de droit,
9.909 qui est maintenant enseignant
dans une Université de renom aux États-Unis,
9.909 a cité cette chanson populaire et a déclaré
qu&;elle était entièrement protégée par la loi.
9.909 C&;est lui qui a comparé la loi vietnamienne
à la loi occidentale, chinoise, etc.
9.909 Au XVe siècle, le règlement suivant
n&;existait nulle part ailleurs que sous la dynastie Lê postérieure :
9.909 Si un mari ne couche pas avec sa femme, la néglige,
ne fait l&;amour pas avec elle pendant cinq mois,
9.909 celle-ci est autorisée à le signaler au mandarin local
puis à quitter son mari, et celui-ci perd sa femme.
9.909 Autrement dit, si vous ne couchez pas avec votre femme
pendant cinq mois sans raison, vous perdrez votre femme,
9.909 excepté si vous partez en voyage officiel.
9.909 Si vous avez des enfants,
le terme est prolongé à douze mois,
9.909 sinon c’est cinq mois.
9.909 Si la séparation a déjà été validée
(par les autorités locales)
9.909 et que le mari empêche d&;autres hommes
d&;épouser son ex-femme, il sera puni.
9.909 Selon le professeur Tạ-Văn-Tài, aucun pays
n&;avait au XVe siècle une telle réglementation ;
9.909 il en était de même au XIXe siècle.
9.909 Est puni celui
qui fait de sa domestique sa concubine ;
9.909 s&;il délaisse sa femme au profit de sa domestique,
il perd son poste / rang.
9.909 Mais je suis un peu en désaccord avec Tạ-Văn-Tài.
9.909 D’après sa conclusion,
l&;égalité Hommes-Femmes a toujours existé au Vietnam,
9.909 et la loi la protège.
9.909 Mais selon moi, ce n&;est pas tout à fait exact
parce que la réalité est plus complexe.
9.909 À noter que ces lois
étaient avant tout imposées aux mandarins,
9.909 plus qu&;à la population dans son ensemble.
9.909 Parce que la punition en vigueur
était la « rétrogradation »,
9.909 or les gens du peuple
n&;ont pas de rang / poste à perdre.
9.909 Je doute donc que ce type d&;affaire
était jugé en dehors de la sphère mandarinale.
9.909 Quoi qu&;il en soit,
cela représentait un vrai progrès.
9.909 Mais voici une loi qui était valable
pour tout le monde :
9.909 Si les parents décédaient
sans laisser de testament,
9.909 les biens étaient répartis à parts égales
9.909 ou selon leur consentement entre les enfants,
9.909 sans différenciation entre les fils et les filles.
9.909 C&;était une loi de la dynastie Lê [postérieure].
9.909 Seulement 1/20e des biens était réservé
à la personne qui honore le culte des ancêtres.
9.909 Les parents étaient encouragés à faire un testament.
9.909 Ceci est très important
9.909 car cela encourage les parents
à exprimer clairement leurs volontés.
9.909 Le détenteur des biens réservés au culte des ancêtres
était le fils aîné ou, le cas échéant, la fille aînée.
9.909 C&;est très clair !
9.909 La conception selon lequel
9.909 « Avoir un fils est avoir un enfant, avoir dix filles
est considéré comme ne pas avoir d&;enfant »
9.909 n&;est vrai qu&;en Chine, et non au Vietnam.
9.909 Car au Viêtnam, la fille aînée
est en droit d’honorer le culte de ses parents
9.909 et de bénéficier de 1/20e de l&;héritage,
spécialement réservé au culte des ancêtres.
9.909 Les lois des Nguyễn, en revanche,
ont marqué un retour en arrière
9.909 puisqu&;elles reprenaient plus fidèlement
les lois de la dynastie Qing.
9.909 Même les lois de la période coloniale
sont moins avancées que celles de la dynastie Lê.
9.909 En conséquence,
le professeur Tạ-Văn-Tài avance que
9.909 sous les Nguyễn,
9.909 beaucoup de gens continuaient de suivre
les anciennes coutumes,
9.909 plutôt que les nouvelles lois,
9.909 et que les mandarins ne les forçaient pas
à suivre ces nouvelles lois.
9.909 Car les lois des Lê sont devenues coutumières
que tout le monde suit.
9.909 Telle est la remarque de Tạ Văn Tài.
9.909 Un dernier point :
9.909 qu&;en est-il de ces traditions aujourd&;hui ?
9.909 Je ne reviendrai pas sur les 100 ans de féminisme
et sur beaucoup d&;autres choses,
9.909 mais aujourd&;hui, au début du XXIe siècle,
que reste-t-il de ces traditions ?
9.909 J&;ai découvert il y a peu de temps
une nouvelle auteure
9.909 dont le travail a été publié
pour la première fois en octobre 2020.
9.909 Elle s&;appelle Kim-Chi
9.909 et son œuvre s&;appelle
« Điệu buồn phương Nam » (Triste mélodie du Sud)
9.909 Il s’agit d’un recueil de nouvelles.
9.909 La première histoire :
le mari chantait très bien le « vọng-cổ » ,
9.909 il était donc systématiquement invité à chanter
dans les cérémonies et chorales.
9.909 Tandis que la femme s&;occupait de toutes
les activités économiques de la maison.
9.909 Une fois, alors qu&;il était de retour à la maison,
en voyant la nouvelle chemise de sa femme,
9.909 Il était jaloux et l&;a cruellement battue.
9.909 La femme, en colère,
a pris l&;enfant et est partie.
9.909 Depuis lors, tout le village l&;a mis à l&;index,
9.909 plus personne ne l&;a invité à chanter
9.909 du fait de son ingratitude
envers une femme aussi talentueuse.
9.909 Il a dû vendre ses champs, sa maison,
puis il est tombé malade et est mort,
9.909 sans enterrement approprié.
9.909 Mais sa femme est revenue
pour l&;inhumer convenablement,
9.909 un dernier geste de bienveillance à son égard.
9.909 Or, lorsque son cadavre a été exhumé
pour être enterré dans un nouvel endroit,
9.909 les os avaient déjà disparu,
car il était enterré dans la boue.
9.909 Cela insinue que le ciel l&;a puni.
9.909 C&;est le premier récit.
9.909 Le second récit s&;appelle « Ở ên » (Être seule).
9.909 J&;ouvre une parenthèse pour ajouter que
9.909 l&;auteure est biologiste,
9.909 c&;est-à-dire une spécialiste
des sciences naturelles.
9.909 Elle se présente comme professeure
dans une université de province
9.909 mais je ne sais pas laquelle.
9.909 Sa ville natale est Kiên-Giang.
9.909 Ce sont des histoires
que l&;auteure a observées dans son quotidien.
9.909 J&;y vois l&;observation subtile d&;une scientifique
9.909 et une analyse astucieuse
malgré son langage populaire.
9.909 Je vais lire quelques phrases
pour vous montrer son style d&;écriture :
9.909 « Pendant que je faisais mes études, elle s&;est mariée. »
(Traduction en français de Vũ Lê Minh Anh et Olivier Tessier)
9.909 « Du coup, même si elle avait dix ans
de moins que moi, »
9.909 « son enfant avait le même âge
que mon enfant. »
9.909 Mais son mari partait loin et n&;était jamais à la maison.
Elle était seule pour élever leur enfant.
9.909 La femme a expliqué que
« c&;est son destin, pauvre de lui »,
9.909 autrement dit, elle a pitié de son mari.
9.909 L&;auteure : « J’ai failli tomber dans les pommes
en entendant qu&;elle avait pitié de son mari »
9.909 Car « Elle avait pitié de son mari
malgré le fait qu&;il la néglige. »
9.909 « Puis, un peu plus tard, il est revenu. »
9.909 « Maigre et noir, il s&;est accroupit »
9.909 « et a regardé sa femme vendre [quelque chose]
avec la chemise trempée de sueur. »
9.909 « Moche, insouciant et indélicat,
elle l&;aime pourtant. »
9.909 « Quelques mois plus tard,
elle avait le gros ventre, »
9.909 « mais son mari était de nouveau parti
et la maison a été de nouveau déserte. »
9.909 « Alors elle a continué à élever sa fille » ;
le premier enfant était un garçon.
9.909 Un jour, en passant devant sa maison,
l&;auteure l&;a vue réparer le toit.
9.909 Faute d&;homme présent,
elle devait tout faire elle-même.
9.909 Puis l&;auteure a commenté :
9.909 « Une autre de ses dents est tombée. »
9.909 « Je me demande combien de temps
elle compte rester seule comme ça ? »
9.909 « Pas jusqu&;à la mort, non ? »
9.909 « Et le mec, je me demande s&;il reviendra. »
9.909 L&;histoire se termine ainsi.
9.909 Je veux dire que
les femmes sont très capables,
9.909 mais que leurs capacités
ne les empêchent pas de souffrir
9.909 et ce à bien des égards.
9.909 Ainsi le « Đoạn trường tân thanh »
[Le nouveau cri de compassion pour un destin misérable]
de Nguyễn Du
9.909 est loin de disparaitre.
9.909 Ainsi s&;achève ma présentation,
merci à tous.
9.909 Cô đã nói về cách mà sự xuất hiện của người Trung
đã thay đổi mối quan hệ giữa nam và nữ
9.909 so với văn hóa của người bản địa.
9.909 Câu hỏi của tôi là:
9.909 Liệu có dấu vết hay điều gì
khiến ta nghĩ rằng
9.909 khi người Kinh dần dần Nam tiến,
9.909 khi họ đồng hóa với văn hóa Chăm,
rồi văn hóa Khmer,
9.909 Liệu nó cũng thay đổi mối quan hệ
giữa đàn ông và phụ nữ?
9.909 Ma réponse est oui.
9.909 C&;est l&;une des raisons
qui permettent d&;expliquer les différences
9.909 que tout le monde peut constater
9.909 sur le rôle des femmes et l&;égalité hommes-femmes
9.909 dans le centre et le sud par rapport au nord.
9.909 Quand j&;ai étudié le féminisme
dans la première moitié du XXe siècle,
9.909 j&;ai constaté que le féminisme au centre et au sud du Vietnam
se manifeste de façon riche et diversifiée.
9.909 Mais au nord, il n&;y avait
presque aucune manifestation.
9.909 Surtout au début [du siècle].
9.909 Ensuite, est né le groupe littéraire Tự-lực-văn-đoàn par Nhất-Linh
[Union Littéraire Autonome fondé en 1932-1933]
9.909 Si l&;on compare par exemple l&;œuvre
« Đoạn tuyệt » (Rupture) de Nhất-Linh du groupe « Tự lực văn đoàn »
9.909 avec l&;œuvre « Tại tôi » (A cause de moi)
de Hồ-Biểu-Chánh,
9.909 On constate que Hồ-Biểu-Chánh
va beaucoup plus loin que Nhất-Linh [l’auteur de la « Rupture »]
9.909 dans la résistance à l&;ancien ordre social
9.909 où les parents interviennent
dans le mariage de leurs enfants, etc.
9.909 Mes questions portent sur
9.909 l&;enseignement des œuvres littéraires
dans les écoles vietnamiennes,
9.909 en particulier par rapport au caractère
et aux rôles des personnages féminins.
9.909 De nombreuses histoires
sont enseignées pour affirmer que
9.909 le rôle d&;une femme
est d&;obéir et de s&;occuper de sa famille.
9.909 Si jamais des femmes commettaient une erreur,
9.909 il s&;agissait d&;une erreur très grave,
9.909 comme le montre l&;histoire
de Mỵ-Châu – Trọng-Thủy [Zhao Zhongshi]
9.909 Mỵ-Châu est considérée
comme une citoyenne coupable de haute trahison.
9.909 Je voudrais vous demander
9.909 quel est le rôle de l&;école
dans le renforcement de ces modèles.
9.909 Il y a des choses avec lesquelles
je ne suis pas du tout d&;accord
9.909 car l&;histoire de Mỵ-Châu – Trọng-Thủy
se déroule à l&;époque d&;Âu-Lạc
9.909 mais est analysée d&;une manière
très nationaliste et marxiste.
9.909 En premier lieu, je considère
l’histoire de Mỵ-Châu – Trọng-Thủy comme une légende.
9.909 Elle n’appartient pas à l’Histoire
9.909 comme nous pouvons,
par exemple, parler du fait que
9.909 Ngô-Quyền a effectivement vaincu
l&;armée des Hán du Sud dans la bataille de Bạch-Đằng.
9.909 Les deux doivent être distingués.
9.909 Les légendes peuvent avoir un sens.
9.909 Mais ce sens est un message
qui doit être déchiffré.
9.909 Et on peut l&;interpréter
d&;une manière ou d&;une autre.
9.909 L&;interprétation d&;un auteur
peut être plus convaincante que celle d&;un autre,
9.909 mais dire que
c&;est la vérité absolue est impossible
9.909 car personne n&;a d&;informations
pour dire qui étaient Mỵ-Châu et Trọng-Thủy
9.909 S&;agissant de la forteresse de Cổ-Loa,
sur la base des vestiges
9.909 de nombreux scientifiques, dont Tạ-Chí-Đại-Trường,
pensent qu’il s’agissait d’une forteresse
9.909 construite pendant la période
de domination chinoise.
9.909 Elle s&;appelle « thành-kén » (forteresse de cocon),
construite sous la dynastie Hán
9.909 et non pas pendant la période Lạc-Việt.
9.909 Notre enseignement scolaire
a commis deux erreurs importantes :
9.909 Premièrement,
à cause d’un nationalisme exacerbé,
9.909 on « a mobilisé les 4 000 ans d&;histoire
dans la lutte contre l&;envahisseur »,
9.909 ce qui entraîne une certaine confusion
entre les légendes et l&;histoire,
9.909 et cette confusion persiste,
9.909 plus d&;un demi-siècle maintenant
après le rétablissement de la paix.
9.909 Je peux comprendre cette confusion
en temps de guerre
9.909 afin de créer une unité
et de « mobiliser l&;histoire au service de la guerre »
9.909 mais en temps de paix,
il faudrait être plus lucide, plus serein.
9.909 De grands scientifiques, y compris de Hanoï,
rectifient beaucoup de choses,
9.909 mais cela n’arrive pas jusqu’aux lycées
9.909 C&;est la première erreur :
la confusion met à mal la scientificité de l&;histoire.
9.909 La seconde, pour reprendre les mots de Karl Marx,
9.909 c’est que l&;idéologie dominante
est l&;idéologie de la classe dominante.
9.909 Mais notre idéologie dite marxiste
nous a conduit dans une situation,
9.909 je ne sais par quel itinéraire tortueux
cela est arrivé
9.909 car je n&;ai pas étudié cette question
9.909 mais je la vis au quotidien,
9.909 celle d’une société dans laquelle
l&;argent et le pouvoir font autorité.
9.909 Et quand une société est dirigée
par l&;argent et le pouvoir,
9.909 la famille est à son tour
plus encline à [valoriser] l&;argent et le pouvoir.
9.909 Si l&;argent dont dispose deux personnes est égal,
9.909 le droit appartient
« traditionnellement » aux hommes.
9.909 En termes marxistes, cette idéologie dominante
est qualifiée de réactionnaire
9.909 car il s&;agit d&;un retour
vers un état socio-politique antérieur.
9.909 vers un état socio-politique antérieur.
9.909 À noter cependant
si vous êtes étudiants :
9.909 Même au temps du monopole confucianiste,
9.909 où les concours impériaux
et des règles très strictes étaient valorisés,
9.909 les gens apprenaient aussi bien
à l&;école qu&;en dehors de l&;école.
9.909 Les écoles étaient pour la plupart
des écoles privées.
9.909 Les seules écoles publiques étaient
les Quốc-tử-giám (académies impériales),
9.909 présentent dans quelques provinces seulement,
9.909 où un mandarin provincial était
en charge des questions d&;éducation
9.909 grâce au budget de l&;État.
9.909 Toutes les autres écoles étaient privées,
9.909 c&;est-à-dire des écoles où l&;enseignement
était donné par un maître d&;école.
9.909 Plus le maître d&;école était ouvert,
9.909 plus il était proche
du peuple et des traditions anciennes,
9.909 plus les élèves pouvaient en profiter.
9.909 Aujourd’hui, nous avons non seulement
les écoles, les enseignant(e)s,
9.909 mais aussi les livres, Internet
et les langues étrangères
9.909 qui nous permettent d&;avoir
de nombreux accès aux connaissances.
9.909 Aussi, ne restons pas assis-là à reprocher à l&;école
de nous avoir enseigné des stupidités.
9.909 Faute du temps, je n&;ai pas pu revenir
9.909 sur quelques récits et
interprétations très impressionnants
9.909 qu&;a publié [l’historien] Tạ-Chí-Đại-Trường
dans « Sexe et dynastie ».
9.909 Je vous invite à lire directement ses travaux
qui ont été réimprimés au Vietnam.
9.909 Y a-t-il des éléments
[dans ma présentation]
9.909 que vous trouvez déraisonnable
voire inacceptable ?
9.909 Par exemple, la conclusion
de mes travaux en cours est que
9.909 les Vietnamiennes sont traditionnellement
très proactives, très responsables,
9.909 qu&;elles ont confiance en elles
et qu&;elles sont autonomes.
9.909 Et qu&;elles sont aussi traditionnellement libérales
dans leur vie amoureuse et sexuelle.
9.909 Mais pas seulement les femmes,
9.909 la société vietnamienne est en fait très libre
en amour et dans son rapport au sexe
9.909 Est-ce acceptable ou est-ce contraire
à la réalité que vous vivez ?
9.909 Khi nghiên cứu xã hội học về giới, vị thế của giới,
9.909 Phần lớn cho rằng
9.909 các tiêu chuẩn về giới đã ăn sâu
trong quy chuẩn và giá trị truyền thống.
9.909 Nhưng cô đã chứng minh điều ngược lại:
9.909 truyền thống Việt Nam “bình đẳng” hơn nhiều.
9.909 Tuy vậy, có vẻ như nhiều người Việt Nam
muốn duy trì chế độ phụ quyền,
9.909 Núp dưới cái cớ không muốn đảo lộn truyền thống,
rằng truyền thống là như vậy.
9.909 Không chỉ rất nhiều đàn ông, mà cả phụ nữ
mong muốn duy trì loại truyền thống này
9.909 vì có những truyền thống lai căng và rất khác biệt.
9.909 La raison pour laquelle
j&;apprécie tant l&;Histoire de Kiều
9.909 est qu&;elle est écrite à la fin du XVIIIe siècle
et au début du XIXe siècle.
9.909 Les écrivaines comme
Đoàn-Thị-Điểm au XVIIIe siècle
9.909 font également partie des pionnières,
d&;une élite féminine.
9.909 Đoàn-Thị-Điểm (poètesse – 1705-1749) elle-même
était aussi une personne singulière.
9.909 Elle a écrit « Truyền Kỳ tân phả »
[Nouveaux récits légendaires],
9.909 l&;un de ses œuvres les plus particulières
qui n&;a jamais été enseignée à l&;école.
9.909 Cet ouvrage a été relu et analysé
par de nombreux scientifiques étrangers du féminisme.
9.909 Selon moi, ils ont correctement analysé
le féminisme dans « Truyền Kỳ tân phả »,
9.909 les femmes comme elle sont
minoritaires, avant-gardistes.
9.909 À l&;ère de Nguyễn-Du, l&;argent
a occupé une position très importante.
9.909 Ainsi, peut-on lire dans l&;Histoire de Kiều
9.909 « Quand on tient l&;argent en main, »
9.909 « Est-ce difficile d&;agir sur les consciences
et de faire voir blanc ce qui est noir ? »
9.909 La corruption chez les mandarins
était monnaie courante.
9.909 A mon avis, si l&;Histoire de Kiều
est appréciée de tous,
9.909 par les aristocrates comme
par les gens ordinaires,
9.909 c&;est parce que dans cette société contrôlée par l&;argent,
les gens s&;y identifient facilement.
9.909 Ils ressentent le destin, la situation, les sentiments intimes
des personnages de l&;histoire de Kiều.
9.909 Telle est la belle tradition
9.909 que la littérature de premier ordre
doit conserver.
9.909 La littérature de premier ordre est celle
qui préserve les belles traditions de la communauté.
9.909 J&;aime beaucoup l&;Histoire de Kiều
9.909 mais elle est enseignée
de manière inadéquate à l&;école.
9.909 De nombreux enseignants et professeurs de Littérature
ne prennent pas la peine de lire cette histoire du début à la fin,
9.909 mais seulement des extraits
et des commentaires officiels de ces extraits,
9.909 et les enseignent encore et encore
aux étudiants pour qu&;ils passent l&;examen.
9.909 Revenons-en à nos moutons.
9.909 Quand l&;argent prend le contrôle,
il bouleverse beaucoup de choses.
9.909 La société contemporaine cherche toujours
à préserver ce qui est ancien.
9.909 Si cela vous intéresse, vous pouvez lire un livre
très avant-gardiste de Đặng-Văn-Bảy
9.909 « Nam nữ bình quyền » (Égalité Hommes-Femmes),
9.909 Il a été écrit entre 1923 et 1925, donc très tôt.
9.909 L&;auteur était un enseignant,
l&;équivalent d&;un enseignant de collège aujourd&;hui.
9.909 Le livre a été publié en 1928
et interdit l&;année suivante.
9.909 C&;était à l&;époque coloniale.
9.909 Je n&;arrivais pas à trouver ce livre
quand je faisais ma thèse.
9.909 Plusieurs décennies plus tard,
9.909 le fils de l&;auteur
est venu me confier le manuscrit,
9.909 et l&;université Hoa Sen l&;a publié
pour la première fois
9.909 après la conolisation française.
9.909 La maison d&;édition Phụ-Nữ vient de le republier,
9.909 donc je pense qu&;il est facile
de le trouver sur le marché.
9.909 Dans ce livre, Đặng-Văn-Bảy a analysé
les inégalités hommes-femmes
9.909 et les raisons de lutter pour l&;égalité.
9.909 Selon lui, de nombreuses femmes
ne souhaitent pas l&;égalité.
9.909 Pourquoi cela ?
9.909 Selon son explication :
9.909 Si vous travaillez dur,
vous devenez un travailleur compétent.
9.909 Si vous vous soumettez souvent,
vous restez un esclave durant toute votre vie.
9.909 Parmi les femmes esclaves figurent celles
qui souhaitent l&;être plus que d&;autres,
9.909 puisqu&;elles s&;y sont habituées,
9.909 elles souhaitent conserver cette posture
et ne pas en sortir.
9.909 C&;est une loi universelle.
9.909 Tel est le poids des traditions obsolètes.
9.909 Parmi les traditions,
9.909 figurent celles qui sont bonnes,
et celles qui sont mauvaises
9.909 au point qu&;elles devraient
être enterrées profondément.
9.909 Les bonnes traditions
ne sont pas dédiées non plus à être admirées,
9.909 mais elles doivent être pratiquées, se perpétuer.
9.909 Les mauvaises traditions, quant à elles,
doivent être enterrées profondément.
9.909 Il faut les condamner, les analyser.
9.909 Il y a certes une résistance de la part des conservateurs
9.909 qui souhaitent garder cet ordre ancien.
9.909 Mais il y a aussi une détérioration
de la moralité sociale,
9.909 particulièrement visible dans une société
dominée par l&;argent et le pouvoir.
9.909 Dans la première moitié du XXe siècle,
les féministes disaient :
9.909 « L&;habitude de se reposer sur les autres
est la source de l&;esclavage »
9.909 Et elles utilisaient beaucoup le mot esclavage
9.909 pour parler de l&;oppression
des femmes par les hommes.
9.909 Mais de nos jours,
9.909 le fait que de belles femmes
vivent aux crochets des hommes riches
9.909 est devenu une normalité.
9.909 N’est-ce pas ?
9.909 Plus personne ne dénonce cela
parce que c&;est devenu normal.
9.909 C&;est ce que l&;on appelle
la banalisation du mal.
9.909 Quand tout est banalisé,
9.909 les aberrations deviennent la norme.
9.909 C&;est la dégradation
de la moralité d&;une société
9.909 dans laquelle le pouvoir
et l&;argent dominent tout.
9.909 Maintenant, quoi qu&;on veuille faire,
on doit être conscient de ces deux risques
9.909 [les « mauvaises » traditions
et la domination de l’argent et du pouvoir]
9.909 et lutter pour les neutraliser.
9.909 Merci à tous.
.

La gestion de la chasteté masculine.

La pratique de la chasteté masculine contrôlée repose sur le choix d’un homme de freiner ses tâches sexuelles à l’aide de cages de chasteté, tout en attribuant le contrôle à un partenaire.

Dans la chasteté masculine contrôlée, diverses méthodes sont appliquées pour encadrer les activités charnelles.

Une cage de chasteté vise à limiter la manipulation ou la masturbation du pénis en le restreignant physiquement. La confiance sincère et une dynamique d’abandon au pouvoir du partenaire sont des prérequis pour la chasteté contrôlée. La chasteté contrôlée est plus efficace lorsque le détenteur de la clé est une personne extérieure, offrant un regard objectif et sans sentiment.Si vous êtes déterminé à atteindre vos objectifs et que vous souhaitez suivre une méthode qui fonctionne, alors le CCC est fait pour vous. Il s’agit d’un programme conçu pour ceux qui recherchent un contrôle total de leur sexualité. En savoir plus sur la pratique de la Chasteté Masculine Contrôlée

Il y a de nombreux bénéfices et avantages à adopter cette pratique.

Participer à la chasteté contrôlée génère un sentiment de repos. Le bénéficiaire se sent dégagé des préoccupations affectives grâce à la chasteté. Son parcours est dirigé, et il ne reste plus qu’à adhérer à la discipline ordonnée. En restreignant certaines impulsions, les individus se détournent des pensées charnelles. Aujourd’hui, les industries de la pornographie et des rencontres exploitent en permanence les individus à des fins de profit commercial. Moins d’activité sexuelle peut entraîner des liaisons plus intenses et plus riches. De nouvelles perspectives se présentent. Il devient alors possible d’entreprendre des projets et de consacrer son esprit à de nouveaux défis. En résumé, la chasteté masculine contrôlée est une approche consciente et volontaire de la gestion de la sexualité masculine, visant à améliorer le bien-être personnel et relationnel. Cette pratique est optimale lorsqu’elle est accompagnée par un coach professionnel. Elle neutralise tous les inconvénients du sexe et permet de se concentrer sur d’autres objectifs ou projets. Les sportifs, les étudiants et les professionnels peuvent améliorer leur préparation à la réussite grâce à cette pratique. Le coach gère le bon déroulement de la pratique en ajustant les périodes de libération selon les buts poursuivis.

Le site fetishtop.org est fait afin de publier diverses publications sur le sujet votre monde du fetish développées sur internet. Ce texte est réédité aussi précisément que possible. Pour toute remarque sur ce sujet autour du sujet « votre monde du fetish », merci de bien vouloir utiliser les contacts affichés sur notre site internet. Pour vous tenir au courant, cet article sur le sujet « votre monde du fetish », vous est offert par fetishtop.org. Très prochainement, nous rendrons accessibles au public d’autres infos sur le sujet « votre monde du fetish ». Ainsi, consultez systématiquement notre blog.