Robert Yerkes (1876-1956), un psychologue, professeur à Harvard, connut ses heures de gloire pour ses recherches sur l’apprentissage et la mesure de l’intelligence. « En 1917, lorsque les Américains entraient en guerre, c’est lui qui fut chargé de créer des tests d’intelligence destinés à sélectionner les soldats pour les affecter au mieux dans les bataillons », lit-on sur ce site. Il laissa également son nom à une loi, la loi de Yerkes-Dodson (John de son prénom)

Son nom fut donné à un centre d’expérimentation états-unien sur les grands singes situé non loin d’Atlanta
où le documentariste Frederick Wiseman, dont nous avons parlé plusieurs fois, filma en 1974.

Dans un couloir, devant des cages alignées, des scientifiques observent : derrière les grilles, une femelle (orang-outan ? je ne sais plus) vient d’accoucher, léchant du sang sur le sol bétonné, suçant le placenta, tandis que son petit est grimpé sur son crâne. Du sang sur du béton, la nudité de la cage, et en face, une femme qui prend des notes, un homme la rejoint, ils discutent sans empathie aucune du spectacle ; plus tard, le même homme viendra s’asseoir devant une autre cage, observant encore, pipe au bec.
Quelques plans plus loin, une femme vient sortir tendrement d’une cage un jeune chimpanzé auquel elle va donner le biberon, lui mettre une couche
elle se donne le nom de « Maman » ; mais la vraie mère du jeune chimpanzé, où est-elle ?…
« Le centre Yerkes, lit-on sur cette page, travaillait à l’époque dans trois directions : la reproduction, le sevrage et l’expérimentation médicale (drogues, alcool, vaccination). Trois types de séquences ressortent particulièrement du film : les expériences sur la localisation cérébrale des comportements sexuels ou agressifs, sur les effets de la gravité et sur l’insémination artificielle. »
Des hommes passent dans le couloir un long couteau et des bananes dans les mains, bruit du métal des cages qu’on ouvre, qu’on ferme, les cris des bêtes, des tuyaux de caoutchouc semblent à demeure sur le sol du couloir pour nettoyer les cages à grand jet, le N & B du film ajoute à la tristesse infinie qui se dégage des lieux, « tristesse de la terre », dirait Éric Vuillard. Sur le crâne d’un chimpanzé mâle, on a posé un boîtier muni d’électrodes pour mesurer ses érections face à deux femelles, trio infernal dans cette arène d’observation où les femelles se cherchent violemment noise ; de l’autre côté des grilles, comme d’habitude on prend des notes, on échange des remarques : « Vous voyez la pilo-érection de la femelle ? »
À cet autre singe, un homme en blouse blanche fait boire du jus de raisin tandis qu’est recueilli le sperme de la bête,
on parle “électro-éjaculation”,
une femelle orang-outan est portée dans les bras d’une autre blouse-blanche, les poils ont disparu sur une moitié de son grand corps exténué, ou anesthésié, que l’on pose sur une table d’opération… Opérer quoi ? pourquoi ? on ne sait,
et les paroles d’un scientifique du centre – « étudier quand on passa du singe à l’homme » – ne nous éclairent guère
on parle d’un projet de « vol » ; dans un cube, on introduit un macaque sur le crâne duquel a été greffé (avec anesthésie ?) un boîtier récepteur ; des blouses-blanches le font tourner, tourner, ce cube, vite, de plus en plus viiiiite, et sur un écran, n’apparaît que le visage du singe, stoïque, muet

les mots prononcés nous restent incompréhensibles : “corps géniculé”, « nystagmus », le nystagmus, c’est ça → → → → → → →

Les images qui vont suivre seront beaucoup plus parlantes : un homme en blanc tente d’extraire par l’ouverture au bas d’une cage un mince petit singe, l’homme porte des gants, le petit singe résiste, fuit vers le fond de sa prison, l’homme ouvre alors en grand la grille, le petit singe est attrapé mais ses cris percent l’air de la pièce,
il va être maintenu dans un parallélépipède de Plexiglas, seule sa tête et ses jambes dépassent, charmant petit singe aux grands yeux, c’est un capucin, qu’on appelle aussi sapajou, et dans le langage familier des humains dérisoires, un sapajou c’était un « petit homme laid et ridicule ». Ellipse des images… Anesthésié, le capucin, un homme en blanc lui a découpé le cuir du crâne, il va percer, « on perce la dure-mère ? » Dans la salle de projection du film, bien des gens se sont levés, d’autres les suivent, images insoutenables, et pourtant c’est notre espèce, l’espèce humaine, qui a coupé, percé, alors… rester, accompagner jusqu’à la fin les yeux des bêtes, les lambeaux de cerveau placés dans une sorte de neige
à ce petit singe, on ouvrira le ventre, craquera le thorax, on coupe, on coud, avant, violence suprême, de le décapiter : dissection du cerveau selon la méthode de Fink-Heimer ou de Nissl ?
Pour le macaque qui tournait, un avion de l’US Air Force a été affrété ; double martyre pour l’animal maintenu dans le Plexiglas : il tournera dans son cube… sous apesanteur. Si les hommes qui l’accompagnent, l’animal coincé et muet, se mettent à voler, on voit ceci sur un écran : ses yeux tombants.
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* Ce documentaire, « Primate », passera encore le mercredi 30 octobre, à 20 heures, au Centre Pompidou, Paris, dans le cadre de la rétrospective de l’œuvre de Frederick Wiseman.
** Le centre de recherche Robert Yerkes se nomme désormais l’Emory National Primate Research Center. Comment y sont traités nos frères aînés les singes ?
*** Les images de « Primate » qui illustrent ce billet ont été cueillies sur cette page
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Les hasards du calendrier firent que quelques jours plus tard, j’assistai au Palais de Chaillot, Paris, à un spectacle de marionnettes chinoises où il fut aussi question d’un singe : Le Sac du palais du ciel (rien à voir avec le sac du palais d’été) par le Théâtre du Petit Miroir animé par Jean-Luc Penso, un théâtre dont nous avons déjà parlé….
Ô Sun Wukong (« Sun Conscience du Vide »), roi des Singes, toi qui peux tout avec ton bâton magique caché dans ton oreille, toi qui voulus défier les puissances célestes, que n’es-tu apparu, des siècles plus tard, au centre d’expérimentation sur les grands singes afin d’arracher aux griffes de la science (?) des créatures torturées…
Cela dit, dans cet épisode du Voyage en Occident de Wu Cheng’en (XVIe siècle, 100 chapitres), le roi ne sera pas à la fête, face à l’empereur de jade, au ministre Li Taïpo, au général « fidèle disciple de bouddha », au sage Lao Zi (ou Lao Tseu), à Bouddha lui-même. Ah malheureux Sun Wukong qui voulut cueillir les pêches d’immortalité, boire le vin des immortels plus parfumé que l’hydromel, te voilà ivre et qui ronfles ; toi qui voulus dérober dans le chaudron les pilules de cinabre qui procurent l’immortalité…
Tu t’échappes chevauchant les nuages, « sus au singe ! », mais voilà que Bouddha te piège, condamné tu es à rester cinq siècles sous une montagne à manger du « pain de fer incandescent » et boire « de la fonte liquide », martyrisé toi aussi
M.
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