Dans les coulisses des comédies françaises (2/5) – Cet automne, BFMTV vous dévoile les secrets de films comiques hors-normes, cultes ou insolites. Aujourd’hui, Les 11 commandements.
Faut-il souffrir pour faire rire? Un tympan perforé, un nez cassé, 2 côtes cassées, 17 points de suture, 2 entorses, 2 épanchements de synovie et une allergie cutanée à l’eau de la Seine… Vingt ans après, la liste des blessures accumulées par l’équipe des 11 commandements, la comédie culte avec les trublions du Morning Live, reste impressionnante. Et a contribué au succès de ce film délirant devenu l’un des films les plus diffusés à la télévision européenne.
Tout commence en 2003. Abel Nahmias, producteur du premier carton de Michaël Youn au cinéma, La Beuze, découvre chez un ami, Jackass, film compilant les sketchs aussi dangereux qu’hilarants d’une bande de cascadeurs américains. Il a un déclic. « Je me suis dit qu’il fallait le faire avec l’énergie de Michaël qui était dans cette veine de comédie physique. »
Exit le projet qu’il développe alors avec l’humoriste, un film de capes et d’épées avec André Bonzel, le co-réalisateur de C’est arrivé près de chez vous. Avec Les 11 commandements, l’ambition est d’offrir aux fans du Morning Live le film dont ils rêvent. Michaël Youn s’était, lui aussi, fait connaître grâce aux happenings du Morning Live, dont la diffusion avait commencé trois mois avant celle de Jackass.
« Absurde » et « rire couillon »
« Dans une même génération, il n’est pas étonnant de voir des tendances comparables émerger », précise Nicolas Benamou, caméraman sur Morning Live et Les 11 commandements. « Dans Jackass, ils veulent se faire mal. Ils ont une tendance à la douleur absolue. Nous, c’était une recherche de l’absurde et du rire couillon. » Et contrairement au film américain, constitué d’une succession de gags, ils imaginent une trame narrative. « On voulait sortir au cinéma. Il nous fallait une histoire », souligne Abel Nahmias.
Le scénariste Laurent Zeitoun trouve avec Michaël Youn le point de départ: alors que les gens rient de moins en moins, le « dieu de la blague » lui demande de faire rire à nouveau la population. Il est épaulé par une bande d’amis baptisée « Les Connards »: Vincent Desagnat et Benjamin Morgaine du Morning Live, William Geslin, le compositeur des Bratisla Boys, le producteur de rap Tefa et Jurij Prette, un ami italien.
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Avant l’été, les six « Connards » et les deux réalisateurs se réunissent pour écrire, épaulés par une demi-douzaine de scénaristes dont Laurent Zeitoun et Romain Lévy. « L’idée était d’être dingue, de sortir de l’ordinaire », se rappelle Abel Nahmias. « C’était le bordel du début à la fin », se souvient François Desagnat. « L’idée, c’était d’être marrant tout le temps. On voulait trouver le plus possible de sketchs pour en faire plus et au montage sélectionner vraiment les meilleurs. »
Alors auteur au Burger Quiz, Romain Lévy travaille trois jours sur les scènes du dieu de la blague: « On a trouvé avec Laurent Zeitoun l’idée du paradis de la blague. J’avais écrit pour Carambar et cette dimension parallèle où les blagues sont inventées, c’est ce qui m’intéressait. Dans les scènes coupées, il y en avait une où le dieu de la blague leur fait visiter un couloir et disait ‘là, c’est les blagues sur les blondes’, ‘là, c’est la pièce de l’humour juif, mais aujourd’hui il ne travaille pas, c’est shabbat!’. »
Romain Lévy imagine aussi la scène où Toto (Patrick Timsit), devenu ringard, ne sait plus faire rire. Pour des questions d’assurance et de budget, certaines folies sont abandonnées dont un saut depuis un avion cargo dans le Sahara, une corrida avec des crocodiles et des rhinocéros, une course de stock-car dans la cour de l’Elysée et un débarquement avec 200 militaires sur une plage.
Inconfortable
Le projet se monte en quelques mois. « Quand on a voulu tourner, M6 a demandé le script et j’ai répondu qu’on en n’avait pas », détaille Abel Nahmias. « On avait 3 pages avec une description du début et de la fin et quelques idées de sketchs. On l’a financé comme ça. » Une manière de faire qui enchante les techniciens engagés sur ce projet atypique.
Pour mettre en boîte leurs « conneries », les « Connards » disposent d’un budget de 5 millions d’euros. « Difficile d’aller au-delà », indique Abel Nahmias. « C’était le bon montant pour faire ce qu’on avait à faire sans qu’il y ait une notion de confort. Il fallait que ça soit un peu inconfortable. Si ça avait été une grosse production, ça aurait perdu de son charme. »

Plusieurs réalisateurs se voient proposer le projet. François Desagnat et Thomas Sorriaux, qui avaient refusé de rempiler dans un premier temps malgré le succès de La Beuze, se laissent finalement convaincre grâce à une promesse d’Abel Nahmias de pouvoir signer le film avec le pseudonyme « Les Real de Madrid ». « C’était une vanne parce que les gens ne se souvenaient pas de nos noms et les écorchaient », sourit François Desagnat.
« Un peu choquant »
Les stars acceptent sans sourciller de se prêter au jeu, en particulier Djibril Cissé et Amélie Mauresmo. Pour incarner le dieu de la blague, Woody Allen puis Alain Chabat sont envisagés avant Dieudonné. « Avant qu’il ne vrille, c’était l’un des mecs les plus drôles de France. Il avait un talent comique fou », explique Thomas Sorriaux. Romain Lévy se souvient de son malaise en apprenant la nouvelle: « Pour moi, c’était déjà problématique. Il avait déjà fait des déclarations antisémites dans un journal de Lyon. »
Sur le plateau, Dieudonné ne fait pas l’unanimité. « Désagréable » et « hautain » selon le chef opérateur David Quesemand, « c’était la personne qui se faisait payer le plus cher à la journée ». « Il est arrivé en star. Il ne connaissait pas son texte. » « En impro totale », il ne refait jamais la même prise. « Il y avait des trucs super, mais les mettre ensemble a été compliqué. On y a passé un temps fou », précise Thomas Sorriaux.
Le tournage débute en août, en pleine canicule. Le premier jour, l’équipe se rend dans un village d’Essonne pour tourner un sketch où Hitler, joué par Michaël Youn, revient en campagne électorale. La commune, qui n’a pas été prévenue, alerte le préfet qui fait interdire le tournage au bout de deux heures. Jouer avec des uniformes nazis nécessite une autorisation – que l’équipe n’a pas demandée. « En vrai, on avait envie que ça foute le bordel », glisse Thomas Sorriaux.
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Bien que grimé en Hitler, Michaël Youn est repéré par les jeunes du coin qui l’acclament. Une liesse qui annule l’effet recherché par ce gag provocateur. « Ils voyaient Michaël et non Hitler. C’était un peu choquant. On ne s’attendait pas à ça », reconnaît l’ingénieur du son Jean-Paul Guirado. « Ce qui est compliqué, c’était de ne pas perdre l’objectif initial d’humour – tout faire en vrai – quand on se retrouvait confronté à certaines complexités », résume Nicolas Benamou.
« Une expérience très compliquée »
Le tournage est porté par l’énergie de Michaël Youn et la complicité avec sa bande. « Si vous faites ce film sans cette camaraderie, ce ne sera pas aussi efficace », commente Abel Nahmias. Les « Connards » enchaînent les moments de bravoure: concours d’arrestation, course déguisée en pénis géants, émeute dans un stade remplis de supporters échaudés. Sans oublier un sketch façon David Hamilton où ils apparaissent nus ou un autre où ils transforment la maison d’un particulier en piscine.
Les risques ne sont jamais loin. Lors d’un happening dans un centre commercial, où les « Connards » s’affrontent en s’aspergeant de ketchup, l’équipe manque de percuter quelqu’un. Dans un autre sketch, où ils tentent de faire des pizzas dans un camion conduit à toute vitesse par Michaël Youn dans les rues de Montmartre, Benjamin Morgaine est projeté en avant dans le véhicule tandis que Vincent Desagnat est en pleine crise d’effroi.
« Ce jour-là, je me suis engueulé avec Michaël. J’étais furieux de son attitude. On n’avait pas de retour vidéo. On ne savait pas ce qui se passait à l’intérieur (du véhicule) », confie François Desagnat. « J’ai failli quitter le tournage. Ce jour-là, je suis rentré chez moi et j’étais malheureux. Il y a eu quelques jours comme ça où c’était un peu dur. » « C’était une expérience très compliquée », confirme Thomas Sorriaux. « Encadrer ces gens avait un côté relou. » Un premier assistant a fait un burn out.
Lors d’un sketch impliquant un éléphant, Michaël Youn manque de se faire écraser par l’animal. « Là, j’ai vraiment flippé », reconnaît Abel Nahmias. « Mais lui n’avait peur de rien. » « Michaël aurait pu mourir devant la caméra si c’était pour une bonne scène. C’était très punk, no future », plussoie Nicolas Benamou. « Il y a eu deux ou trois moments où on n’est pas passé loin d’une vraie connerie », opine le chef opérateur David Quesemand. « Je ne suis pas sûr qu’on ferait le même film aujourd’hui avec les normes de sécurité »
« Une part d’inconscience »
« Il fallait un coup de chance pour que tout se passe bien », concède Abel Nahmias. « Il y avait une part d’inconscience. Mais c’est ce qui fait que le film est authentique. Tout n’était pas méga cadré. Il fallait qu’il y ait une spontanéité. » « On se retrouve dans des situations où parfois le rire devient nerveux. C’est assez jouissif », souligne Nicolas Benamou. « Ça permettait de satisfaire une part d’enfance. On fait des conneries grandeur nature. C’est ça qui est drôle. »
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Des médecins sont présents sur le plateau, prêts à intervenir. Notamment lors du sketch où les « Connards » prennent du viagra. « Dans les proportions où ils en ont pris, ça pouvait être dangereux », se souvient David Quesemand. « Ils avaient peur que ça ne marche pas », précise Nicolas Benamou. « Ils ont pris beaucoup trop de cachetons et ils ont doublé ça avec une piqûre dans la bite. On a tourné pendant une après-midi et deux jours après ils bandaient encore! Ils n’en pouvaient plus. »
L’énergie déployée par Michaël Youn finit par épuiser ses camarades de jeu. « C’est dur de suivre », souligne François Desagnat. « Le tempérament de chaque personne de la bande n’était pas le même », précise de son côté Nicolas Benamou. « Vincent était notre grand sensible. » Une scène le montre au bord des larmes, prêt à quitter le projet. « Comme on tournait de jour et de nuit et qu’il y avait une tension permanente, il y a eu des moments de fatigue », confirme Jean-Paul Guirado.
Michaël Youn aussi avait ses moments de doute. « T’es au courant qu’on est en train de faire de la merde? On le sort en vidéo, je ne veux pas qu’on le sorte en salles », lâche-t-il un jour à Abel Nahmias, qui le rassure. « C’était une prise de risque pour lui. Si le film n’était pas réussi, et ça pouvait l’être, ça n’aurait été pas bon pour lui. Mais il a assumé et il est allé jusqu’au bout. »
Garder les secrets
« Challenge technique » mêlant scènes en caméras cachées, séquences narratives et sketchs surréalistes, Les 11 commandements juxtapose différentes esthétiques visuelles. « On ne voulait pas que ça fasse clip », précise David Quesemand. En post-production, le son des caméras cachées, en réalité parfait, est « sali » pour « que ça fasse plus reportage » et qu’il « colle avec les images tournées qui sont de moins haute résolution », précise Jean-Paul Guirado.
Seulement 5% du film est trafiqué. « La gageure est que tout apparaisse réel et jamais bidonné alors que tout ne l’est pas », précise David Quesemand. « 95% du film a été tourné en live », insistent François Desagnat et Thomas Sorriaux. « Il y a des trucs qu’on ne pouvait concrètement pas faire parce qu’on ne pouvait pas prendre le risque d’interrompre le tournage une semaine si quelqu’un partait en prison. » « Il a fallu trouver des arrangements », indique David Quesemand.
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Les réalisateurs ne souhaitent pas révéler les 5% du film qui ont été trafiqués. « On a l’impression que c’est un château de carte et qu’il suffit de dire qu’un truc n’est pas vrai pour que tout s’écroule et tout ce qui est vraiment vrai perde sa crédibilité. C’est pour ça qu’on s’est toujours dit qu’on garderait les secrets », ajoute François Desagnat.
« Notre travail était parfois de faire croire qu’un truc était vrai alors qu’il était faux », indique Thomas Sorriaux. « C’était ça notre travail de mise en scène, mais il était forcément invisible. D’où la petite frustration de notre travail sur le film. »
L’énergie déployée sur le tournage fait presque oublier le début du film: un plan immobile d’une trentaine de secondes interrompu par le vomi de Michaël Youn. « Ça nous faisait rire », réagit François Desagnat. « On avait envie de faire les sales gosses et de faire que des trucs à la con. Le plan est chiant puis il devient drôle, car on est au-delà du chiant. »
Retirer Dieudonné?
À la fin du tournage, la production comptabilise sept arrestations, deux procès, une interdiction préfectorale et une quinzaine de contrôles de police – sans compter les 400.000 euros environ versés en dommages et intérêts. Tefa termine un sketch avec plusieurs points de suture. Will est sourd à vie depuis le concours de claques.
Mais ce n’est rien en comparaison de la polémique qui éclate le 1er décembre 2003, alors que la promotion débute. Dieudonné choque 6 millions de téléspectateurs avec un sketch antisémite dans l’émission On ne peut pas plaire à tout le monde. La séquence provoque un malaise au sein de l’équipe des 11 commandements, qui met les bouchées doubles pour terminer le film à temps pour sa date de sortie le 4 février 2004.
« Certains diffuseurs » demandent de remonter la bande-annonce pour que Dieudonné n’y apparaisse plus, révèle François Desagnat. « Ils nous disent qu’ils ne la diffuseront pas si Dieudonné est dans la bande-annonce ». La production prend alors « la décision pragmatique » de remonter la bande-annonce. « Il n’y a plus que sa voix. Il n’apparaît plus à l’image. »
La polémique Dieudonné ne gêne aucunement la sortie. Lors de l’avant-première au Gaumont Marignan, le producteur Claude Berri est enthousiasmé par le film et glisse à l’équipe: « Ça va cartonner ». En salles, c’est effectivement un triomphe, avec 2.971.700 entrées. Un succès qui s’explique par l’aura de Michaël Youn. « C’était son moment », analyse Abel Nahmias. « Il ne fallait pas louper le coche. »
L’édition DVD, qui propose un second film avec les sketchs inédits, est aussi un succès avec plus d’un million d’exemplaires vendus. Et vingt ans plus tard, Les 11 commandements est le film le plus diffusé à la télévision en Europe. Si Michaël Youn a annoncé en 2014 sur le ton de la plaisanterie un Tour du Monde en 80 Conneries, aucune suite des 11 commandements n’a réellement été envisagée. « J’avais un peu peur si on en faisait un autre qu’il faille prendre plus de risques », conclut Abel Nahmias.
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